Je ne sais pas si vous avez remarqué mais, depuis quelque temps, plusieurs livres jeunesse s'inspirent formellement des journaux intimes. Au Québec, nous avons la chance de compter parmi nos auteurs l'inventive India Desjardins. Mais les journaux intimes fictifs récoltent de jolis succès un peu partout auprès des publics encore plus jeunes. Le temps est aux antihéros chez les préados...

C'est le cas du Journal d'un dégonflé, de l'auteur américain et concepteur de jeux Jeff Kinney, qui se voit maintenant traduit en 22 langues dans le monde. Le héros de 12 ans, Greg, encadré d'un petit frère collant et d'un grand frère musicien de garage, a d'abord vu le jour sur le Web.

 

Dessin naïf à gros traits, Greg a suscité un tel engouement chez les internautes qu'un éditeur a rapidement flairé la bonne affaire. Ce qu'il en résulte? Un livre hybride entre la BD et le roman jeunesse, crayonné noir et blanc sur des feuilles lignées.

Il faut le dire, le tout n'est pas très édifiant et là n'est pas le but. L'entreprise aura le mérite de faire rire vos préados (la tague du fromage moisi aura sans doute du succès) tout en gardant sans doute l'intérêt des garçons. Le journal s'échelonnant sur une année scolaire entière, on y suit les déveines de cet antihéros, de l'Halloween à Noël jusqu'à la fin des classes. Sympa, pour le duo clownesque qu'il forme avec son meilleur ami Robert et les clins d'oeil aux vains efforts des parents d'être dans le coup, sans plus. À noter: la traduction «franchouillarde» qui porte parfois à confusion.

 

Une ado négative

Dans la même veine, on compte la série Mon journal full nul de l'auteur et illustrateur Jim Benton, qui présente son septième volume: Ne sous-estime jamais ta stupidité.

Benton y poursuit dans la même lignée que les précédents, donnant le crayon à Jasmine, une ado négative, dévorée de jalousie et qui se sert de son journal comme d'un exutoire. L'idée, fort humoristique, est bien exploitée (l'amie gentille et honnête sera détestée jusqu'à la fin, un joli pied de nez aux bons sentiments), tout en pêchant un peu par sa superficialité. On salue néanmoins le courage de l'auteur de ne pas tomber dans la mièvrerie pour parler de la fureur adolescente.

Les journaux Full nul, abondamment illustrés en noir et blanc, maintiennent un rythme effréné qui pourra déstabiliser le bon lecteur habitué à une littérature plus contemplative, mais qui gardera l'attention du lecteur agité. Les péripéties s'accumulent, le propos saute souvent du coq à l'âne, bref, ça déménage, à donner le tournis.

Un bricoleur de génie

L'auteur et illustrateur souvent primé Frank Asch s'est également intéressé au journal intime par le truchement des sciences. Son protagoniste, Alex, est un bricoleur de génie et grâce à ses connaissances scientifiques impressionnantes, celui-ci parvient à réaliser des inventions qui feraient rougir les ingénieurs.

L'intérêt d'un tel journal est d'initier le jeune lecteur à de réelles théories scientifiques (la physique quantique, la relativité) tout en les utilisant pour stimuler l'imaginaire.

Ainsi, la spectrographie cérébrale permet à Alex d'inventer un confiancemètre. Quant à la dislocation quantique, elle l'aide à créer une épée qui fend les objets (en fendant les atomes). Intelligent, stimulant et ludique, le Journal de bord d'un génie (tomes 1 et 2) ravira les enfants curieux, «patenteux» et fascinés par le jargon scientifique.

La fin de l'enfance

Le journal intime tend également à être ce précieux carnet où les pensées peuvent prendre racines. Demain l'année prochaine, de l'auteure française Estelle Lépine, fait partie de ceux-là. Résolument plus littéraire que les trois précédents, cette chronique d'une fin d'été (le journal ne couvre que les 10 derniers jours avant le retour en classe) donne la parole à Mélanie, une préado déboussolée par un univers qui semble vouloir s'écrouler depuis que sa soeur aînée, amoureuse pour la première fois, délaisse leurs jeux.

La jeune fille y note quotidiennement ses impressions sur ses douloureuses découvertes de la fin de l'enfance avec le brin de désespoir propre aux grands bouleversements. Émouvant et sensible, ce roman met le doigt sur un passage obligé qui ne mène pas nécessairement vers une rupture, mais qui change à jamais notre vision du monde.

Un album illustré

Pour les plus jeunes, Gilles Tibo et l'illustratrice Josée Bisaillon ont également choisi de se frotter à cette forme avec Le vrai de vrai journal de ma vie, un album illustré qui compte plusieurs capsules, pensées, poèmes ou encore des listes ludiques que Marilou, petite fille à l'intériorité foisonnante, aurait précieusement notés.

Ce journal imagé est non pas construit sur une trame temporelle, mais s'échafaude à partir de plusieurs thèmes, dont la mort, la tristesse, la paix, la solitude, la liberté. La pédagogie derrière l'entreprise dépasse souvent comme un jupon, ce qui est peu agaçant, mais l'album, en lui-même, est magnifique.

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Journal d'un dégonflé

Jeff Kinney Éditions Seuil, 228 pages, 8 ans et plus

**1/2

Mon journal full nul

Jim Benton

Éditions Scholastic, 160 pages, 8,99$, 9-12 ans

**1/2

Star Jumper - Journal de bord d'un génie #2

Frank Asch

Éditions La Courte échelle, 165 pages, 15,95$, 8 ans et plus

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Demain l'année prochaine

Estelle Lépine

Éditions Seuil, 125 pages, 14,95$, 11 ans et "

***1/2

Le vrai de vrai journal de ma vie

Gilles Tibo et Josée Bisaillon

Éditions Imagine, 64 pages, 21,95$, 8 ans et plus

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