Avec La bar-mitsva de Samuel, David Fitoussi, aujourd'hui établi en Israël, livre un premier roman humoristique s'inspirant de sa propre immigration au Québec.

Né en France et catapulté au Québec alors qu'il avait 12 ans, David Fitoussi se souvient bien de ses jeunes années dans le quartier Snowdon à Montréal.

 

«Je n'ai pas détesté le Québec autant que Samuel dans mon livre», s'empresse de dire le principal intéressé en éclatant de rire. «J'avais surtout un rejet de l'hiver. Sérieusement, j'ai adoré le Québec. J'y ai d'ailleurs eu une merveilleuse vie étudiante. Mais bon, j'étais, comme on dit, un français râleur.»

Son petit narrateur, lui, n'est pas tendre envers sa nouvelle terre d'accueil. Il faut dire que le jeune protagoniste, qui porte un regard joyeusement désabusé sur son univers immédiat, subit involontairement la situation, suivant de force une mère qui l'arrache à son père pour venir s'établir à Montréal.

«Dans le cas dont on parle, il s'agit presque d'un kidnapping, même si le mot n'est pas juste puisqu'à l'époque il n'y avait pas toutes ces règles, précise Fitoussi. Mais, en général, l'immigration est plus ou moins imposée à la plupart des enfants.»

En partie autobiographique, le roman de David Fitoussi laisse pourtant énormément de place à l'humour et à l'autodérision. «C'était un rêve de jeunesse d'écrire», affirme celui qui, après une maîtrise en sociologie à l'Université de Montréal, hésite aujourd'hui entre l'immobilier et la traduction. «Lorsque ma femme a terminé son congé de maternité de trois mois, j'ai pris la relève et je me suis emmerdé si mortellement que je me suis mis à écrire ce roman. Très vite, l'humour s'est imposé puisque je tentais de combattre l'ennui. J'ai alors trouvé un ton qui m'a plu.»

Le récit de son immigration au Canada s'est bien sûr enrobé de fiction. «Mon roman présente une jeunesse complètement réinventée. Il est évident que l'ossature est vraie mais je n'étais pas un enfant aussi monstrueux et froid, ajoute-t-il en riant. Écrire un roman pour la première fois fut angoissant. Je ne savais pas si j'avais du talent, si j'arriverais à le terminer. Je me suis donc jeté dans ce que je connaissais au lieu d'aller dans des terrains trop hasardeux.»

À 40 km de Gaza

David Fitoussi vivra 30 ans au Québec avant de quitter sa terre d'adoption pour Israël, où il habite aujourd'hui avec sa femme et ses quatre enfants. Le flou identitaire propre aux immigrants l'y a bien sûr suivi. «Au Canada, j'étais un Français, en France, j'étais un Juif et en Israël, je suis un Canadien. Les gens ne nous identifient pas facilement. Ça me fait bizarre, par exemple, de rencontrer en Israël des Français qui n'imaginent pas deux secondes que j'aie pu vivre 30 ans à Montréal. Mais ce cumul reste une très grande richesse. Vivre avec de multiples identités pour moi ce n'est pas un problème dans la mesure où on les assume toutes et qu'on ne veut pas en cacher une au profit d'une autre. J'ai très bien vécu mon judaïsme au Québec et mon côté québécois se porte très bien en Israël.»

Étant donné la portée du récent conflit qui a fait trembler Gaza, nous nous décidons à aborder le sujet. En a-t-il ressenti l'onde? «En Israël, rien n'est loin, c'est un petit pays, répond Fitoussi. Nous habitons à 40 kilomètres de Gaza, mais aussi à 40 kilomètres de Tel-Aviv et à 60 de Jérusalem. Pour l'instant, c'est calme, la vie est redevenue normale, les enfants sont retournés à l'école et nous avons repris notre petit train-train, mais les dernières semaines ont été mouvementées.

«On n'a pas beaucoup parlé de nous dans les médias parce que nous sommes juste à côté d'une base aérienne de l'armée, poursuit-il. On n'a pas trop voulu donner d'indices sur les impacts ici. Mais disons qu'en moyenne, on ressentait de un à quatre impacts par jour. Nous avons deux enfants en très bas âge que nous gardions toujours à portée de vue pour pouvoir nous sauver très vite dans notre chambre forte au sous-sol...»

Apprend-on à vivre ainsi dans une situation aussi instable? «Tout dépend des natures, lâche Fitoussi. Ma femme et moi avons beaucoup de sang-froid. S'il y avait eu plus de bombes, nous aurions peut-être changé d'avis. Mais une à quatre par jour, nous nous sommes dit que c'était, disons, plus ou moins tolérable. Vous savez, dans cette région, il y a le meilleur et le pire. Il ne suffit pas de grand-chose pour qu'il y ait la paix et, paradoxalement, pas grand-chose pour que ce soit le chaos. Mais je continue de croire à la paix relative. Maintenant, est-ce que ça va régler le problème de fond? Non. Or, nous sommes bien obligés d'avancer...»

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La bar-mitsva de Samuel

David Fitoussi

Éditions Marchand de feuilles, 302 pages, 22,95$