En 1988, Alain Demouzon annonçait de manière péremptoire la mort du polar. Pourtant le cadavre se porte plutôt bien! Au cours des dernières années, le roman policier a connu un extraordinaire regain de vitalité. Avec plus de mille titres publiés annuellement dans des dizaines de collections, le genre n'a jamais été aussi florissant.

Dans cette production de masse, certains polars, exemplaires à plus d'un titre, se sont forcément imposés comme étant les «nouveaux classiques». Ce sont des romans policiers qui sont restés dans les mémoires, sont parfois cités comme exemples et très souvent, ils sont connus du grand public en général et pas seulement des amateurs de polars purs et durs.

Les lecteurs du Da Vinci Code ne sont pas nécessairement des amateurs de Michael Connelly ou de Ian Rankin. La plupart de ces polars ont été adaptés au cinéma, Dans certains cas, le livre a connu la notoriété et une seconde vie grâce au succès commercial de son adaptation filmique.

C'est l'interprétation remarquable d'Anthony Hopkins qui a fait d'Hannibal Lecter (Le Silence des agneaux) le nouveau croquemitaine des temps modernes, alors que Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud rendait enfin accessible au grand public l'intrigue complexe du roman d'Eco, un livre ardu, truffé de citations latines, dont on disait à l'époque que tout le monde l'avait dans sa bibliothèque mais que personne ou presque ne l'avait lu! Or donc, place à quelques «nouveaux classiques»....

1) Le nom de la Rose, Umberto Eco, 1982

En 1327, l'ex-inquisiteur Frère Guillaume de Baskerville enquête sur une série de morts suspectes dans un monastère bénédictin. Ce récit-phare a largement contribué à la vogue actuelle du polar érudit, historico-ésotérique. Il a été adapté avec succès au cinéma par Jean-Jacques Annaud, en 1986.

2) Le Dahlia noir, James Ellroy, 1987

Inspiré par l'une des énigmes les plus célèbres des annales du crime en Amérique, (le meurtre non résolu de Betty Short, alias le Dahlia noir), ce roman très noir reflète bien les obsessions de son auteur, traumatisé par le meurtre (non résolu) de sa mère. Il a été adapté au cinéma par Brian de Palma, en 2006.

3) Le silence des agneaux, Thomas Harris, 1988

Pour traquer un psychopathe qui écorche ses victimes, Clarice Starling, une stagiaire en criminologie, doit faire appel à Hannibal Lecter, un tueur sophistiqué, fin lettré, cannibale à ses heures. Quand Jonathan Demme a adapté le roman au cinéma en 1991, Hannibal Lecter est devenu le serial killer le plus connu (et le plus copié) de la planète, après Jack l'Éventreur.

4) Le collectionneur, Chrystine Brouillet, 1995

Au Québec, le genre policier est spontanément associé à Chrystine Brouillet et à sa série de polars mettant en vedette Maud Graham. Toujours réédité et adapté à l'écran par Jean Beaudin, en 2002, ce roman qui raconte la traque d'un tueur en série particulièrement vicieux, reste le meilleur de la série.

6) Le poète, Michael Connelly, 1996

Un journaliste et une agente du FBI traquent un tueur en série qui signe ses crimes avec des extraits d'oeuvres d'Edgar Allan Poe. Même si Michael Connelly est surtout connu pour sa série de polars mettant en scène l'inspecteur Harry Bosch, ce roman reste une oeuvre séminale souvent imitée mais jamais égalée.

7) Les rivières pourpres, Jean-Christophe Grangé, 1998

Un flic de l'anti-gang et un policier d'origine arabe enquêtent sur deux morts mystérieuses et font face à une diabolique machination. En 2000, Matthieu Kassowitz a fait un film de ce roman qui a inspiré la formidable vague de thrillers à l'américaine publiés en France ces dernières années.

8) Les morts de la Saint-Jean, Henning Mankell, 2001

La série de récits mettant en vedette l'hypocondriaque commissaire Kurt Wallander est sans conteste l'une des plus populaires du polar contemporain. Dans ce roman, il enquête sur la mort mystérieuse de trois jeunes tués lors d'une fête. Le succès des polars Mankell est à l'origine de l'invasion actuelle du polar scandinave.

9) Mystic River, Dennis Lehane, 2002

Ce chef-d'oeuvre de Lehane, adapté au cinéma par Clint Eastwood en 2003, reste le modèle parfait du polar psychologique. La vie de trois amis est bouleversée quand l'un d'eux est kidnappé par des pédophiles et que, vingt-cinq ans plus tard, la fille d'un autre est assassinée. Magistral, sensible, inégalé et passionnant.

10) Da Vinci Code, Dan Brown, 2003

Ce thriller ésotérico-historique a remporté un énorme succès planétaire, avant d'inspirer des dizaines d'imitateurs qui ont inondé le marché de «da vinci clones»: histoires de conspirations planétaires, thrillers à thématique théologique, énigmes archéologiques, etc. Le film de Ron Howard (2006) a aussi fait courir les foules.

11) Millénium, Stieg Larsson, 2008

Apogée de «l'invasion du polar nordique», la formidable trilogie de cet écrivain suédois connaît un énorme succès. Une fois lancé dans les aventures du journaliste Mikael Blomkvist et de Lisbeth Salander, le lecteur est piégé par un conteur hors pair qui l'entraîne dans les 2000 pages de cette saga unique dans l'histoire du polar contemporain.

Note: en toute justice il faudrait sans doute, ajouter Pars vite et reviens tard (Fred Vargas), Le Couperet (Donald Westlake), un roman d'Andrea Camilleri, de Manuel Vasquez Montalban, de Jean-Pierre Manchette et de quelques autres...

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Ont été consultés : Nadia Dhoukar, Etienne Borgers et Daniel Fondanèche auteur de Le Roman policier (Ellipses). Sources : quelques dossiers de presse parus ces dernières années dans des revues culturelles comme Le Magazine littéraire, Entre les lignes ou Lire, et Le Dictionnaire des littératures policières (Claude Mesplède, éditions Joseph K).