Les accommodements raisonnables, Sherbrooke et Michèle Lalonde apparaissent dans le nouveau roman de Jean-Paul Dubois, Les accommodements raisonnables. De nouveau au Québec, l'auteur et journaliste français en profite pour faire la promotion de son dernier livre, qui se déroule entre Toulouse, Hollywood et Disneyland.

«Êtes-vous un amoureux du Québec?» La question aussitôt posée, aussitôt regrettée en raison de son insignifiance, fait jaillir, chez Jean-Paul Dubois, vague à l'âme et flot de réflexions. Des blessures qui jalonnent l'histoire du Québec, du métissage au poids des églises, Dubois pèse, sous-pèse, analyse les sentiments que lui inspire la province.

 

Soudain, il s'interrompt: «Ne m'écoutez pas, je dis que des conneries», se justifie «en fait, je ne suis pas compétent», et constate: «À mon âge, je découvre encore plein de choses et des moments d'histoire. En fait, on n'en sait jamais assez pour comprendre.»

Prenez Speak White, auquel le narrateur des Accommodements raisonnables fait référence. «Il y a une dignité incroyable dans ce texte», dit Jean-Paul Dubois. Poème fondamental, éclairant, incontournable dans l'histoire de la province. Un poème souvent méconnu hors de nos frontières.

Prenez aussi ces Accommodements raisonnables. Joyaux de la discorde dans la province entière, le concept juridique canadien devient, sous la plume de Dubois, une poésie. «Je trouve ça joli. L'expression inclut de la douceur, une forme de paix, d'apaisement. Ça marche dans la sphère privée: après le conflit, c'est l'apaisement que vous trouvez propice aux accommodements raisonnables.»

S'accommoder de la vie, de ses contraintes, de soi-même, «ce n'est pas glorieux, mais c'est terriblement humain», estime Jean-Paul Dubois. Dans ses Accommodements, donc, on retrouve Paul, notre narrateur, sa femme, Anna, frappée de mélancolie, ou encore son père, en plein revirement existentiel.

Douze mois feront presque chavirer leurs existences. Douze mois, c'est aussi le temps qu'il a fallu à un président bien connu des journaux à potins pour mettre à mal «une certaine idée de la France». «Notre mur de Berlin s'est écroulé pendant ces élections. Une époque a fini. On est passés de la tragédie shakespearienne à Desperate Housewives», regrette Dubois.

La tendance se maintient puisque, depuis quelques mois, plusieurs personnalités publiques se plaisent à clamer, dans les médias français, qu'ils ne sont pas les pères de l'enfant d'une ministre enceinte et en vue. «On voit les types se comporter comme des acteurs de tele-novela, avec des histoires de mari, femmes, amants dans le placard», soupire-t-il.

«Ce monde-là, qui est le monde de la fiction, arrive en politique», poursuit Dubois, qui fait le parallèle entre notre époque et ses personnages. «Je n'aime pas la fiction absolue, je trouve que c'est un truc compliqué. Sortir une histoire comme ça, créer des personnages qui n'ont jamais existé, c'est quelque chose que je n'arrive pas à imaginer.»

Les accommodements raisonnables se déploient autour de l'élection d'un président-soleil et d'une grève à Hollywood, lieu de fabrique, s'il en est, de la fiction et de l'illusion. Quoi de plus étrange que de faire grève pour quelque chose «qui n'existe pas»?

«J'ai souvent l'impression d'assister à de la fiction. Même quand c'est sérieux, je ne peux m'empêcher de me demander quelle est la crédibilité de ce monde. Est-ce que je peux être raisonnable dans ce monde? Plus ça va, plus il m'apparaît que non», affirme Dubois.

«Comment prendre un pays au sérieux quand la vice-présidente est créationniste? Comment peut-on raisonnablement, sans être extrémiste, prendre ces gens au sérieux? Quand notre monde fonctionne sur des bases comme ça, je n'arrive pas à le prendre au sérieux», tranche l'auteur.

On pourrait lui répondre que lui aussi participe, en écrivant, à la fabrique de la fiction. Il nous devance: «Un jour j'ai pesé mes livres. Ils faisaient 27 cm et 3,450 kilos. J'avais passé 10 ans de ma vie à faire ça. C'est à la fois embarrassant et ce n'est rien. C'est quelque chose et c'est rien, parce que c'est à mi-chemin de la psychanalyse, de la fiction. Si on réfléchit à ça, c'est franchement troublant.»

Le succès et les best-sellers, l'auteur d'Une vie française, Kennedy et moi ou Si ce livre pouvait me rapprocher de toi, s'en moque un peu. «On ne règle jamais les vrais problèmes, les véritables inquiétudes. La véritable inquiétude n'est jamais dans mes livres, elle est dans ma vie», explique-t-il.

Une heure a passé depuis la première et insipide question. Jean-Paul Dubois s'excuse presque d'avoir tant parlé, et si peu de son dernier livre. Il justifie son manque d'aisance dans le registre interview: «J'arrive pas à être efficace. Ça m'emmerde, ça me fait chier.» Vous n'êtes pas raisonnable, mais vous êtes tout pardonné, M. Dubois.

Les accommodements raisonnables

Jean-Paul Dubois

Éditions de l'Olivier, 260 pages, 29,95$