On sait ce qui intéresse les lecteurs français : des histoires de famille, et l'histoire politique du demi-siècle passé. Voici un roman qui va les combler. Ils ne seront pas les seuls.

Helen vit à New York, dans un appartement avec terrasse qui regarde l'Hudson entre les deux tours Trump. Elle est mariée avec Jacob qui commence un Alzheimer... Vous lisez le premier chapitre, qui se termine très mal d'ailleurs, et vous êtes pris au piège. On ne peut plus arrêter la lecture. C'est le secret de Catherine Cusset qui, déjà, nous avait charmés avec des romans comme Jouir et La haine de la famille, et qui écrit sec, rapide, attirant. Nous allons apprendre peu à peu, en courts chapitres qui s'emboîtent les uns les autres, quelle fut l'histoire aventureuse de cette Helen, éternelle immigrante. Jadis, elle s'appelait Elena, dans la Roumanie communiste et antisémite de ce clown appelé Ceausescu. Elle avait fait des études en physique nucléaire, puis épousé un juif, Jacob, avec lequel elle était partie pour Israël avant de s'installer aux États-Unis. Du coup, elle est devenue Elen, programmeuse en informatique. Elle avait eu un garçon, Alexandru.

 

Le problème d'Alexandru, c'est qu'il épousa une Française, au grand regret de ses parents tout comme Elena avait épousé Jacob malgré l'opposition familiale. Cette Française est égoïste, arrogante, on dirait un produit national hexagonal (pardonnez-moi), attaché à un pays «fermé et élitiste». Sic. Elle se nomme Marie, et ne cessera pas de s'opposer à sa belle-mère. Le récit de cette sorte de haine, à peine larvée, mais solide, entre les deux femmes, Marie et Helen, se fait par petites touches, comme toujours, et vaut à lui seul la lecture par son humour parfois voilé, mais brillant, et sa critique de l'immigration, ses difficultés, parfois ses évidences. Les deux femmes se dévoilent, se détestent, et finalement, ô surprise, se trouvent des points communs. Elles finiront par devenir des amies, enfin, réunies par leur amour commun du même homme, le mari et le fils...

C'est une histoire de famille, certes, dans laquelle les événements et les sentiments se dévoilent avec des allers-retours politico-historiques, une sorte de saga qui se passe en Roumanie, à Paris en 68, en Bretagne, à New York... C'est excellent. La critique française adore déjà, on promet à ce roman un prix littéraire (le Goncourt?). On le lui souhaite.

Un brillant avenir

Catherine Cusset

Gallimard, Paris, 374 pages, 29,95$

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