Cette année est la bonne. C'est maintenant que ça se passe. Peu importe l'issue des élections américaines, le 4 novembre, l'année 2008 est la dernière que George W. Bush passe à la Maison-Blanche. C'est sûr. Coulé dans le béton. Officiel à 100%.

Et Michael Moore trépigne d'impatience.

Le célèbre documentariste et polémiste attend ce moment depuis huit ans. Au plus haut de la popularité de Bush, Michael Moore le traitait de menteur sur la place publique. Aujourd'hui, son rêve de voir le président républicain quitter la Maison-Blanche la tête basse est à portée de main.

 

Moore n'est cependant pas d'humeur à célébrer. Maintenant que plus personne ne porte attention aux déclarations du président, Michael Moore a décidé de se dévouer à la cause des élections. Les démocrates ont beau avoir tout pour remporter le scrutin, dit-il, rien n'est dans la poche. Tout peut arriver.

D'une certaine façon, le règne de Bush a été profitable à Michael Moore. L'incompétence du président et la corruption du Parti républicain lui ont permis de s'imposer comme polémiste incontournable sur la scène nationale et internationale. Détesté par la droite, adulé par la gauche, Moore a produit des oeuvres remarquables et uniques. Bowling for Columbine et Fahrenheit 9/11 ont attiré les foules et inspiré une génération de documentaristes décidés à mettre en contexte les événements d'actualité.

Critiquer Bush a longtemps été un crime de lèse-majesté aux États-Unis. En février 2003, à la cérémonie des Oscars, Michael Moore avait fait scandale en osant dénoncer les discours va-t-en-guerre du président, qui voulait vendre «une guerre fictive pour des raisons fictives». Très peu de commentateurs progressistes ont démontré ce type de courage à l'époque...

Moore avait raison au sujet de Bush. Le problème, c'est que cette «victoire» semble lui être montée à la tête.

Le Moore de 2008 n'a plus le temps de s'empêtrer dans des explications compliquées. Il a raison, point final. Tout ce qui est dans son chemin mérite d'être balancé dans le fossé.

Son nouveau livre, Mike's Election Guide 2008 est moins captivant que ses documentaires, ou que son bouquin précédent, Dude, Where's my Country?, paru en 2004.

Moore y prend plaisir à ridiculiser les démocrates, qu'il considère comme une bande d'incompétents sur le point de «perdre l'élection la plus facilement acquise de l'histoire des États-Unis». Sur la quatrième de couverture, on trouve d'ailleurs une photo d'un troupeau de moutons...

Moore peut être juste et incisif. Il fait mouche quand il critique la dérive des grands médias et leur propension naïve à toujours présumer que le gouvernement dit la vérité. «Ils n'ont pas tiré de leçon de la guerre en Irak, écrit Moore. Résultat: la supposée menace nucléaire de l'Iran, je n'y crois pas. Désolé. Je devrai voir leur bombe de mes propres yeux pour y croire. C'est l'un des legs de George W. Bush.»

Toutefois, à force de tirer sur tout ce qui bouge, Moore finit par ressembler à un «troll» qui diffuse des commentaires enflammés sur l'internet. Ça déraille complètement quand, il fait mine de répondre à des «questions des lecteurs» au sujet des élections. On se lasse vite de sa prose frénétique entrecoupée de passages écrits en majuscules. Aussi agréable à lire qu'un échange de courriels avec un oncle particulièrement fier de ses opinions politiques...

Michael Moore avait raison au sujet de Bush. Et il a eu le courage de se lever quand tout le monde était assis. Maintenant que le pays est debout, Moore crie pour se faire entendre. Souhaitons que le résultat des élections lui donne l'occasion de décompresser un peu. Et d'éviter la touche «Caps Lock» sur son clavier d'ordinateur...

** 1/2

Mike's Election Guide 2008

Michael Moore Grand Central Publishing, 260 pages, 15,50$