La révolution française a inspiré quelques romanciers parmi les plus illustres. Hugo avec son Quatre-vingt-Treize , Balzac avec ses Chouans, sans parler de Dumas avec au moins une douzaine de feuilletons palpitants dont Ange Pitou, La comtesse de Charny et Les compagnons de Jéhu.

Christophe Bigot y a trouvé matière pour son premier roman, au demeurant très réussi.

De facture classique, L'archange et le procureur raconte l'histoire de Camille Desmoulins et de sa femme, Lucile Duplessis, du point de vue d'Anne, mère de cette dernière.

Guillotinés à neuf jours d'intervalle sous la Terreur, Camille et Lucile ont laissé orphelin leur fils de 3 ans, Horace. Élevé par Anne et sa fille cadette, Adèle, il partit fort jeune chercher fortune à Haïti, nouvellement indépendante.

C'est de là qu'il écrit une lettre déchirante à sa grand-mère pour lui demander si les ragots qu'il entend outre-Atlantique sur la conduite de ses parents relèvent de la médisance ou de la calomnie.

Anne s'attèle à la rédaction de ses mémoires, qu'elle fait débuter au moment de la rencontre de Camille et de Lucile. Le premier, pamphlétaire redoutable et ardent républicain, est présenté comme dépourvu de jugement politique tant ses passions dictent sa conduite.

Compagnon de classe de Robespierre, il l'amènera quelques fois à dîner chez ses beaux-parents. Anne, séduite par son éloquence mais intimidée par sa froideur, caressera quelque temps l'ambition de le rapprocher de sa cadette.

Camille et Lucile, qui soutient et embrasse son idéal républicain, fréquentent aussi Danton, qui impressionnera Anne tout autant malgré ses allures de débauché.

Au fil des pages, c'est avant tout le climat tumultueux de la Révolution française que nous fait partager Anne.

Sous la dictée de Bigot, elle nous décrit les espoirs des lendemains de la prise de la Bastille, les hésitations des principaux protagonistes sur la place de la monarchie, les querelles de factions, l'opportunisme des canailles qui utilisent le rasoir national pour régler des comptes personnels.

On découvre dans cette marche hésitante de l'Histoire les angoisses des individus, les idéaux brisés, les volte-face malheureuses mais parfois nécessaires, les calculs machiavéliques de certains protagonistes.

Ainsi, l'accusateur public Fouquier-Tinville, cousin de Camille, se fit un devoir de le condamner à mort avec Danton. Saint-Just, que Camille soupçonnait d'avoir monté Robespierre contre lui, était en fait le petit ami de l'Incorruptible, suggère Anne.

Le récit douloureux d'une mère qui a perdu sa fille est émaillé des réflexions, des hésitations et des ambivalences d'une femme qui, au crépuscule de sa vie, doit revivre la douleur de ses souvenirs.

Tout en nous faisant revivre de l'intérieur ces années terribles, Bigot nous renvoie à ce que des milliers de mères ressentent aujourd'hui aux quatre coins du monde où ont sévi guerres et carnages qui déciment les familles.

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L'Archange et le procureur Galllimard

Christophe Bigot, Gallimard, 282 pages, 32,95$