Prix prestigieux
C’est la section canadienne de l’International Board on Books for Young People (IBBY) qui a choisi de présenter Angèle Delaunois au prix Hans Christian Andersen. Remis en alternance à un auteur, puis à un illustrateur, ce prix célèbre des créateurs dont l’œuvre a apporté une contribution significative à la littérature jeunesse mondiale. « Quand je l’ai appris, ça m’a scié les jambes, dit en riant l’autrice montréalaise. C’est vraiment extraordinaire. » Ce prix sera remis en Malaisie, en septembre 2022 – alors que voyager sera possible, on l’espère.
Angèle Delaunois a signé 102 livres, de l’album pour tout-petits à un premier roman pour adultes, La plume rouge, paru en 2020 chez Guy Saint-Jean Éditeur. « Je suis assez polyvalente, dit-elle. J’écris des choses qui sont drôles, mais la plupart du temps, j’écris pour faire réfléchir un peu. » Son travail a été traduit dans une dizaine de langues. « C’est très amusant de voir son livre publié en tibétain », illustre-t-elle.
Parcours étonnant
Née en Normandie, Angèle Delaunois a immigré au Québec en 1968. « Je vivais dans un milieu très modeste en France, qui ne me permettait pas de déployer mes ailes, résume-t-elle. À ce moment-là, la majorité était à 21 ans. À 21 ans, je suis venue au Canada, parce que j’en rêvais depuis longtemps. » Pourquoi le Canada ? « Mon anglais étant assez terrible, je me suis dit : “Je vais aller dans un endroit où on parle français”, répond-elle. Parce qu’il fallait que je gagne ma vie. J’ai trouvé un emploi tout de suite, chez un avocat. Je faisais les comptes. »
Angèle Delaunois a fréquenté l’École des beaux-arts, rue Sherbrooke. Là, elle s’est fait des amis. « C’est une période où j’étais vraiment fauchée, mais j’ai vraiment eu du plaisir », se souvient-elle. Décidée, elle a fait un baccalauréat en arts à l’Université du Québec à Trois-Rivières, puis un certificat en psychopédagogie, avant d’enseigner le français et les arts plastiques. Parallèlement, Angèle Delaunois était artiste visuelle, spécialisée en tapisseries murales.
Écrire par accident
L’écriture ? « Ç’a été complètement accidentel, répond Angèle Delaunois. J’ai rencontré mon compagnon et je suis revenue à Montréal. Il fallait que je me débrouille pour trouver un travail. Quand on commence une relation, il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier, c’est la sagesse. »
Angèle Delaunois a travaillé pour l’Association des consommateurs du Québec, comme responsable des jouets et des livres jeunesse. « J’ai lu beaucoup, beaucoup de livres jeunesse, dit-elle. Je trouvais ça très chouette. À un moment donné, je me suis dit : “Je serais capable d’en écrire, moi aussi.” Comme une innocente ! » Angèle Delaunois a proposé un livre sur les oiseaux du Québec aux éditions Héritage. « J’ai commencé en 1988, quand j’ai eu ma fille », précise-t-elle. De nombreux autres livres ont suivi, en plus de postes chez des éditeurs.
L’aventure Isatis
Angèle Delaunois a fondé les éditions de l’Isatis en 2003. Spécialisée dans les romans graphiques, les albums et les documentaires engagés, la maison a remporté plusieurs prix. Deux exemples : La ville aux dos d’éléphants, un album de Christine Nadeau et de Camille Pomerlo portant sur l’histoire de Thetford Mines, a gagné le prix Hubert-Reeves 2020, tandis que le manifeste Pourquoi les filles ont mal au ventre ?, de Lucile de Pesloüan et de Geneviève Darling, a remporté le prix Espiègle 2018 des bibliothécaires scolaires du Québec.
L’Isatis publie aussi des titres rigolos. « En 2021, on va sortir Les oreilles de Chester, sur Chester Greenwood, un monsieur qui a vraiment existé et qui a inventé les couvre-oreilles, dit Angèle Delaunois. Il avait de grandes oreilles et il avait toujours froid quand il allait faire du patinage. Je trouve ça intéressant. » Elle-même a publié récemment Je suis écolo !, illustré par Philippe Béha chez l’Isatis. « Ça m’oblige à rester jeune, souligne Angèle Delaunois. Les gens de mon âge sont à la retraite. Moi, ça ne me dit rien du tout... »