Avec l'événement ComicCon, aujourd'hui et demain, Montréal pourrait enfin prendre sa place dans le circuit des grandes foires de BD nord-américaines.

Qu'ont en commun Chewbacca, Elvira la maîtresse des ténèbres, Data de Star Trek, l'illustrateur Tim Sales et la fondatrice de la revue W.I.T.C.H.? Facile: tout ce beau monde sera présent ce week-end à Place Bonaventure pour le quatrième ComicCon de Montréal.

Qu'est-ce que le ComicCon? Eh bien, c'est une grosse foire pour «trippeux» de bédés américaines, de science-fiction, d'horreur et de «japanimé». Imaginez un salon du livre pour éternels adolescents, avec vedettes de cinéma, concours de costumes et activités surréalistes en prime.

Jusqu'ici, le ComicCon de Montréal est resté un assez petit événement. Mais ses organisateurs ont compris que, pour grandir et rivaliser avec les autres manifestations du genre, il fallait mettre le paquet dans la promo et injecter plus de glamour dans la programmation.

«On veut montrer qu'on n'est pas un événement de sous-sol», résume Oscar Yazedjian, cofondateur du ComicCon.

Avec la présence des acteurs Brent Spiner (Data), Peter Mayhew (Chewbacca), de la mythique Elvira, ou des célèbres illustrateurs Tim Sale (Batman, Heroes) et Ethan Van Sciver (Green Lantern), l'événement 2010 s'assure d'ores et déjà d'un certain prestige. Cette respectable liste d'invités sera en outre complétée par les artistes Herb Trimpe (premier illustrateur de Wolverine), Larry Hama (créateur de G.I. Joe) et Dale Eaglesham (Captain America, Fantastic Four).

Mais attention: la plupart de ces «vedettes» exigeront une trentaine de dollars pour un autographe, chose apparemment habituelle pour ce genre de foire. En revanche, une fois payé le prix d'entrée, il n'en coûtera rien pour assister aux matches de lutte de super-héros, aux tournois de Magic et de Yu-Gi-Oh! et aux diverses mascarades.

M. Yazedjian espère cette année de 7000 à 10 000 visiteurs. Ce n'est rien à côté du ComicCon de San Diego, qui existe depuis 1969 et attire près de 250 000 personnes chaque année. Ou du Fanexpo de Toronto, qui a enregistré 60 000 entrées lors de sa 16e et dernière présentation, générant des revenus de 2,5 millions de dollars. Mais les organisateurs sont persuadés que Montréal va finir par creuser sa place dans le circuit nord-américain de la fiction fantastique.

Comptant une bonne quinzaine de magasins de comics et des milliers de fans et collectionneurs, la grande région métropolitaine a tout ce qu'il faut pour le faire, estime M. Yazedjian.

Mais ce succès devra passer par la conquête de la clientèle francophone, généralement plus tournée vers la bédé européenne. «Nous devons rejoindre deux publics au lieu d'un seul. C'est un défi que les autres foires n'ont pas à surmonter», résume M. Yazedjian, qui collectionne pour sa part depuis plus de 20 ans.

La présence au ComicCon de la Française Barbara Canepa, auteure de la bédé Sky Dolls et fondatrice du magazine W.I.T.C.H., est clairement un pas en ce sens. Mais on notera surtout celle des auteurs du tout récent Guide des comics Héritage, une brique encyclopédique de 500 pages qui vient tout juste d'être publiée à compte d'auteur.

Spiderman en français

Pour ceux et celles qui ne le sauraient pas, les superhéros de Marvel ont été traduits en français pour le marché québécois de 1968 à 1987. Cette production de presque 20 ans fut une véritable mine d'or pour la maison d'édition Héritage, qui se spécialisait jusque-là dans les livres éducatifs.

Effectuée sur huit ans, la recherche d'Alain Salois, Glenn Lévesque, Rosaire Fontaine et Jean-François Hébert raconte toute cette histoire de long en large. On y apprend entre autres que l'idée de traduire des comics de superhéros fut au départ une simple décision d'affaires. «Héritage cherchait un bouche-trou pour maximiser l'utilisation de ses presses, raconte Jean-François Hébert. Ils ne s'attendaient pas à un tel envol.»

De Spiderman à Iron Man, en passant par Daredevil, les Fantastic Four, Hulk, Thor ou Captain America, plus de 1500 comics sont passés par l'usine Héritage. Le français n'était pas toujours à point. On raconte que les premiers numéros étaient traduits à la va-vite par des employés choisis au hasard. Mais pour le jeune Québécois des années 70 et 80, ces versions étaient la perfection même!

D'où le succès... qui ne durera qu'un temps. Alors qu'en 1972, Héritage imprimait 22 000 Spiderman par mois, ce chiffre était tombé à 2000 au milieu des années 80. «À ce stade, les ados étaient plus intéressés par les arcades que par la lecture», suggère M. Hébert.

En 1987, incapable de payer les droits exigés par Marvel, qui augmentaient en même temps que les ventes diminuaient, Héritage a remercié tous ses superhéros. Détail éloquent: la maison d'édition continuera toutefois à traduire la série des Archie, qui est toujours imprimée au Québec à quelque 10 000 exemplaires.

Pour ce qui est de lire Spiderman en français, il faut désormais se rabattre sur les éditions Panini, une boîte française qui distribue Spiderman en format relié seulement par l'entremise de Hachette.

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ComicCon Montréal. Les 11 et 12 septembre à la Place Bonaventure. Renseignements: 514-653-3783 www.montrealcomiccon.com