Coraline, c'était Alice au pays des Merveilles aujourd'hui. L'étrange vie de Nobody Owens, c'est Le livre de la jungle en mode contemporain.

Elle est entièrement méritée, la Newbery Medal (l'équivalent d'un Pulitzer en littérature destinée aux jeunes) qu'il vient de remporter pour L'étrange vie de Nobody Owens. Un titre dont la traduction est, par contre, un peu trop «rassurante» - en anglais, le roman s'intitule The Graveyard Book, «le livre du cimetière», et c'est beaucoup plus ça. Dans l'esprit. Le mystère, le drame et l'inquiétude distillés. Parce qu'il est plus qu'«étrange», le destin de Nobody Owens. «Il y avait une main dans les ténèbres, et cette main tenait un couteau.» Ce sont les premiers mots du livre. Et il a servi, le couteau. À tuer un homme, une femme, une fillette. Seul un garçon d'un an et demi échappe au massacre. Il sera recueilli par les habitants du cimetière. Les fantômes. Silas, qui n'est ni mort ni vivant. La sorcière qui repose en terre non consacrée. Etc.

Il grandira parmi eux. Sera aimé, choyé. Et protégé de l'homme, le Jack, qui le cherche toujours. Il y a, dans ce récit fort, une poésie d'une noirceur troublante et enchanteresse. Une tendresse qui prend totalement au dépourvu car pas tout à fait de ce monde. Une profondeur qui fait les grandes oeuvres. Et un espoir dans les derniers mots: celui de retrouver Nobody Owens, un jour, sous la plume de Neil Gaiman.

 

L'ÉTRANGE VIE DE NOBODY OWENS

Neil Gaiman

ALBIN MICHEL, 309 PAGES, 21,95$

****1/2