Vos enfants lisent-ils? Que lisent-ils? Et quels sont les livres susceptibles de les entraîner dans un univers de magie où les rêves s'envolent en confettis multicolores? Voici cinquante valeurs sûres qui regorgent d'aventures et d'histoires abracadabrantes, délirantes, émouvantes, extraordinaires...

«Les adultes sont les pires ennemis de la littérature jeunesse, lance en riant Johanne Gaudet, directrice de Communication Jeunesse, un organisme qui a pour but de promouvoir la lecture chez les jeunes. On a toutes sortes de préjugés! Par exemple, certains parents sont déçus de voir que leurs enfants n'aiment pas lire la Comtesse de Ségur. Ça ne les rejoint pas, c'est tout! On dit aussi des choses horribles sans s'en rendre compte du genre : on part à la campagne alors apporte-toi des livres au cas où il pleuvrait. C'est horrible! Alors qu'on peut lire en famille, dans la joie et... au soleil!»

>>> Les 50 livres que votre enfant devrait avoir lus

«Les parents ne lisent pas souvent les livres pour enfants, déplore pour sa part l'auteure maintes fois primée Christiane Duchesne. Pourtant, quand on va au cinéma voir un film pour enfant, on le fait en famille. On participe au plaisir de l'enfant. Et on peut ensuite discuter ensemble de la valeur de ce qu'on a vu.»

«Les adultes auraient beaucoup de plaisir à découvrir la littérature jeunesse et ensuite accompagner leurs enfants dans cette exploration, croit Hélène Lesage, enseignante au préscolaire à l'école Marguerite d'Youville et mère deux enfants. La bibliothèque de l'école, c'est bien, mais une sortie aux bibliothèques municipales pour choisir des albums ou des premiers romans en compagnie de son enfant, c'est encore mieux.»

Du «livre-bébelle» au chef-d'oeuvre

Florissant, le marché de la littérature jeunesse comporte ses revers : une vaste production où tout et n'importe quoi peuvent se côtoyer sans gêne. «Il y a une confusion entre le livre et le jouet, poursuit Duchesne. Il y a de plus en plus de «livre-bébelle», des livres qui parlent, qui sentent bons, qui font cling-cling. Le packaging ne fait pas le livre. Un livre normal, simple, va être aimé des enfants si l'histoire est passionnante. Les enfants dévorent les aventures, ils se passionnent pour ce que les héros vivent. Il ne faut pas l'oublier et leur faire confiance.»

L'auteure compare d'ailleurs la situation au défi de la bonne alimentation. «Si tu ne donnes que des hamburgers, ton enfant va manger que des hamburgers! Or, il faut que les enfants puissent apprendre à faire des choix dans l'éventail qu'on leur propose. Des livres moyens, il va toujours y en avoir. Il faut donc que les enfants puissent avoir accès à autre chose. Ensuite, ils reviendront peut-être aux livres moyens si c'est vraiment ce qui les intéresse. Ce n'est pas si grave au fond. Parce que ce ne sont pas tous les adultes non plus qui sont de bons lecteurs... Mais au moins, ils auront fait un choix en toute connaissance de cause. Et plusieurs auront découvert de réelles oeuvres.»

«Il faut mettre l'enfant en présence d'oeuvres d'art», martèle pour sa part Maryse Dubois, libraire jeunesse à la formidable librairie L'Écume des jours.» Et certains livres jeunesse en sont, grâce au texte mais aussi à l'illustration qui est la porte d'entrée dans le livre. À force de présenter à l'enfant différents styles, il finira par trouver quelque chose qui correspondra vraiment à sa sensibilité à lui»

«Un enfant c'est aussi comme un adulte, ses goûts changent, renchérit Johanne Gaudet. Parfois nous avons envie d'un policier, parfois de poésie ou d'un auteur fétiche dont on lira toute l'oeuvre.» L'illustrateur Philippe Béha explore d'ailleurs cette notion de façon fort créative, en mixant les techniques. «Les goûts des enfants sont toujours surprenants. Demandez-leur de choisir la plus belle couverture de livre à la bibliothèque et d'expliquer pourquoi et vous serez surpris!»

Christiane Duchesne quant à elle s'interroge sur la pertinence de la catégorisation. «Quand on dit «les enfants», c'est ben du monde ça! Il y a les enfants riches, les enfants pauvres, les enfants des pays en guerre, et pas un enfant n'est pareil à un autre. On a la mauvaise habitude de dire»les enfants»en pensant que c'est un groupe homogène de petits êtres fragiles. Un enfant ne se considère pas comme un enfant, rappelez-vous. On se considérait comme une personne.»

Un art mineur

Longtemps considérée comme une broutille divertissante, la littérature jeunesse gagne aujourd'hui ses jalons malgré certains préjugés qui ont la vie dure. «Il y a quelques années, Jean Fugère expliquait l'absence de la littérature jeunesse dans les médias par une certaine ignorance de cette culture spécifique, relate Johanne Gaudet. Or, il semble que les choses changent peu à peu. Les jeunes adultes d'aujourd'hui ont lu dans leur jeunesse, ils s'intéressent à la littérature pour enfants, ils reconnaissent parfois des auteurs et des illustrateurs.»

Aujourd'hui enseignée dans les universités, la littérature jeunesse peine pourtant à être considérée pour ce qu'elle est, c'est-à-dire, une littérature. «Le livre pour enfant qui est bien écrit doit être considéré comme une oeuvre littéraire, plaide Christiane Duchesne. Ce n'est pas parce que ça s'adresse à un enfant que ça ne peut pas être lyrique ou poétique. Ce n'est pas vrai que les enfants peuvent prendre n'importe quoi, renchérit Philippe Béha. C'est ce qui a de plus difficile à faire au contraire. Il faut s'adapter à leur fantaisie incroyable.»

Qu'est-ce qu'un bon livre jeunesse?

Depuis quelques années, on peut retrouver dans le guide Protégez-vous une section entièrement consacrée à la littérature jeunesse québécoise et canadienne française élaborée par Communication-Jeunesse. «Nous avons toute une série de critères littéraires : le style, la complexité dramatique selon l'âge du lecteur et tutti quanti mais c'est aussi l'émotion qu'il procure qui guide notre choix», confie Johanne Gaudet.

Pour intéresser les tout-petits, Hélène Lesage privilégie les livres qui favorisent l'interaction comme ceux de Mario Ramos par exemple. «Les albums qui ont un rythme créé par des rimes ou des répétitions attirent beaucoup les enfants, note-t-elle. Ça les réconforte, ça leur donne l'impression de posséder l'histoire et parfois d'être capable de lire tout seuls !» Et plus tôt les enfants sont mis en contact avec les livres, plus ils sont susceptibles de s'y intéresser toute leur vie.

«Aujourd'hui, la plupart des enfants québécois ont accès à des livres, ce qui n'était pas le cas il n'y a pas si longtemps, analyse Christiane Duchesne. Il y a maintenant une multitude de nouveaux livres jeunesses chaque année. Est-ce que c'est mieux? Je ne sais pas. Il faut être dans un salon du livre pour être témoin de ce que les gens achètent. Il y plus de choix mais il n'y a pas nécessairement de meilleur. Ou alors, on ne les pointe pas assez du doigt...»

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 Comment choisir 50 livres?

Vous aurez deviné que nous ne vous présentons qu'un échantillon de la vaste collection de livres pour enfants de 3 à 12 ans qui mérite d'être parcourue par des yeux curieux. Pour nous aider dans cette tâche de sélection, nous avons rencontré plusieurs personnalités québécoises du milieu littéraire jeunesse afin de discuter des différents critères d'appréciation. Puis, nous avons demandé à une enseignante et deux libraires jeunesse, tous trois reconnus pour leur amour de la littérature pour enfant, de nous partager leurs coups de coeur. Nous avons finalement retenu cinquante titres parmi les centaines qui ont été répertoriés au cours de l'exercice. Merci à Hélène Lesage, Maryse Dubois et Dominic Dufour.

Pour aller plus loin :

Communication Jeunesse

Ricochet (un excellent site sur la littérature jeunesse européenne)

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LES CLASSIQUES

Dans la bibliothèque idéale, on doit trouver les contes des Grimm, Andersen et Perrault que l'on retrouve dans plusieurs maisons d'éditions mais on choisit aussi le Livre de la jungle de Rudyard Kipling chez Gründ.

On privilégie deux délicieuses versions illustrées d'Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, l'une d'Anne Herbauts, chez Casterman, et l'autre de Lisbeth Zwerger, chez Nord Sud. Cette dernière illustre également Le magicien d'Oz, toujours chez Nord Sud (3 ans+)

Chez Gallimard, dans la collection Folio, on retrouve Le petit Nicolas de Goscinny (9 ans+), Le roi Arthur, de Morpurgo, ainsi que des incontournables comme Sa majesté des mouches de William Golding (11 ans+).

Enfin, on craque pour le Don Quichotte que Maria Angelidou a adapté de Cervantes avec Vassilev Sveltine, chez Milan. (8 ans+)

DES CLASSIQUES EN SURPLUS POUR 11 ANS+

Ils ne sont pas dans notre liste officielle, mais on ne saurait trop les recommander aux enfants qui dévorent les mots avec passion. Ils sont tous publiés chez Gallimard, Folio Jeunesse.

Zazie dans le métro, de Raymond Queneau, Le scarabée d'or, d'Edgar Allan Poe, Une belle matinée, de Marguerite Yourcenar, et Trois coups de feu d'Ernest Hemingway.