(Londres) Le roman Time Shelter de l’écrivain et poète bulgare Guéorgui Gospodinov, a remporté mardi soir à Londres l’International Booker Prize, prix britannique qui couronne chaque année le meilleur roman traduit en anglais.

Outre la renommée et le prestige du prix, l’auteur et la traductrice Angela Rodel décrochent une récompense de 50 000 livres sterling partagée de manière égale, une démarche qui vise à mettre en valeur le travail essentiel des traducteurs.

Time Shelter a été traduit en français, sous le titre Le Pays du Passé, paru en 2021 chez Gallimard.

Le roman emmène le lecteur dans une « clinique du passé » pour patients atteints de la maladie d’Alzheimer. En reconstituant minutieusement l’atmosphère d’une décennie, chaque étage de cet établissement offre à ceux qui ont perdu leurs souvenirs un voyage dans le passé.

La clinique connaît un tel afflux de personnes qui ont toute leur tête, mais veulent fuir les horreurs de la vie moderne, que le passé en vient à envahir le présent et qu’un complot s’ourdit pour arrêter le temps.

La présidente du jury, l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, a salué un « roman brillant », « plein d’ironie et de mélancolie », « une œuvre profonde qui aborde une question très contemporaine : que nous arrive-t-il quand nous perdons nos souvenirs ? »

Le livre « raconte quelque chose de notre rapport à l’avenir », a-t-elle déclaré à des journalistes.

« La traductrice Angela Rodel parvient brillamment à restituer » le « style » et la « langue » de l’auteur, « pleine de références et profondément libre », a souligné Leïla Slimani.

« Les prix comme l’International Booker Prize changent le statu quo » qui tend à limiter les langues peu répandues au « local et à l’exotique », a salué Guéorgui Gospodinov, cité dans un communiqué. « Chaque langue a la capacité de raconter l’histoire du monde et l’histoire d’une personne en particulier. »

Pour la traductrice Angela Rodel, ce prix vient « remettre en cause cette idée anglo-centrée à courte vue et démontre que nous avons la responsabilité morale d’écouter des voix hors de notre zone de confort ».

« Il faut non seulement accorder la reconnaissance aux traducteurs, mais aussi les mettre sur un pied d’égalité avec l’auteur, il s’agit d’un processus créatif », a-t-elle déclaré à des journalistes.

L’auteur a quant à lui souligné la difficulté de traduire un tel ouvrage, car il aborde différentes décennies du XXe siècle et leur langue, « l’argot », « un marqueur d’une époque ».

« Il s’agissait de décider avec Guéorgui comment on allait traduire pas seulement le texte, mais traduire l’atmosphère, le contexte, toutes ces sortes de fantômes socialistes qui hantent le texte », a ajouté Angela Rodel.

Âgé de 55 ans, Guéorgui Gospodinov est l’écrivain bulgare le plus traduit : ses ouvrages ont été traduits en 25 langues.

Le journal italien La Repubblica l’a décrit comme un « Proust venant de l’Est ». Son œuvre a fait de lui un grand nom de la littérature européenne contemporaine.

L’année dernière, l’International Booker Prize a été décerné à Tomb of Sand, dont l’auteure Geetanjali Shree est devenue la première écrivaine indienne à remporter le prix.