(Paris) L’écrivain français Michel Houellebecq oscille entre déprime et contrition dans son premier récit autobiographique, où il se pose en victime d’un réalisateur de films pornographiques néerlandais… et de lui-même.

Quelques mois dans ma vie, octobre 2022-mars 2023, qui paraît mercredi aux éditions Flammarion, est un texte à part dans l’œuvre de l’un des auteurs francophones les plus connus au monde. Car, pour une fois, ce n’est pas de la fiction.

On pouvait spéculer pour savoir dans quelle mesure la jeunesse de Michel Houellebecq se retrouvait dans Les particules élémentaires ou son bonheur conjugal dans Sérotonine.

Ici, pas d’ambiguïté. L’auteur étale, en près de 100 pages, six mois qu’il décrit comme catastrophiques pour sa réputation et sa santé mentale. « J’entrai véritablement en enfer. J’y suis encore aujourd’hui », écrit-il.

La presse française a diversement accueilli le livre avant sa sortie.

Le Journal du dimanche y a vu une « analyse lucide », tandis que Le Figaro a trouvé l’écrivain « intraitable avec lui-même et déterminé à ne pas se laisser emporter dans des opérations commerciales crapoteuses ». Ces deux titres ont obtenu des entretiens avec l’auteur, qui en accorde rarement.

Plus critiques, Le Point a décelé « un registre parfois célinien » où « la blessure suinte à chaque page », et L’Express s’étonne d’affirmations péremptoires, vu « le nombre de scènes qui sont autant de blancs dans la mémoire de l’auteur ».

L’Obs a dénoncé à son tour un livre « geignard, indécent ».

Excuses aux musulmans

Deux affaires ont ponctué ces six mois. D’abord les propos islamophobes dans la revue Front populaire, puis l’épisode inattendu du film pornographique Kirac 27.

Michel Houellebecq se dit dans les deux cas victime, d’abord, de sa propre bêtise ou naïveté, mais aussi de la cupidité de ceux qui exploitent sa notoriété.

Le romancier admet avoir abîmé son image sans y gagner un seul centime.

« J’avais atteint, à titre personnel, la quasi-perfection de la connerie », note-t-il au sujet de son incapacité à se faire payer pour le très long entretien avec le philosophe français Michel Onfray publié en décembre. Comme le numéro s’est bien vendu, « d’après mon agent, mon manque à gagner s’élevait à peu près à 225 000 euros » (328 000 $).

Mais pire, il se reproche de n’avoir pas compris, en relisant l’entretien, qu’il franchissait la ligne jaune avec ses imprécations sur les musulmans de France et la violence.

« Je présente mes excuses à tous les musulmans que ce texte a pu offenser — c’est-à-dire, j’en ai bien peur, à peu près tous les musulmans », avance-t-il dans son livre.

Revenu sur ses propos les plus virulents, et désireux de faire retirer de la vente le numéro de Front populaire en question, il n’y est pas parvenu.

Injures

Tout comme il n’a pu faire annuler devant les tribunaux le contrat signé en décembre avec le cinéaste Stefan Ruitenbeek. Dans la traduction que Michel Houellebecq en montre aux lecteurs, l’on découvre qu’il a accepté de faire l’acteur… gratuitement.

Kirac 27, pas encore sorti en raison du contentieux devant la justice des Pays-Bas, devrait être fait de bouts de tournage à Paris et Amsterdam, sous l’œil d’un réalisateur surnommé par l’auteur « le Cafard », avec des actrices qu’il désigne comme « la Truie » et « la Dinde ».

Sur des dizaines de pages, l’auteur, prix Goncourt 2010, se répand en injures à leur encontre.

Des proches lui assuraient que les médias passeraient à autre chose. « À peu près tout le monde se trompait ; ce film porno ne serait jamais oublié », déplore le romancier.

« À l’idée que ces images puissent être diffusées contre mon gré, je ressentais, pour la première fois, quelque chose qui me paraissait s’apparenter à ce que décrivent les femmes victimes d’un viol », ajoute-t-il.

Cette comparaison suit un passage où l’écrivain, régulièrement accusé de misogynie, explique que, si les féministes le détestent, il « ne les aime pas non plus ».