Au retour d’un père qui a été trop souvent et trop longtemps absent, Paul se méfie. Son frère Louis ouvre les bras.

Ce décalage entre les deux frères est le creuset dans lequel Michael Delisle façonne son roman, qui tient essentiellement aux relations ponctuées de distance, de connivence presque silencieuse, de sentiments incompris et d’émotions le plus souvent retenues. Paul, comme son père, est seul, arrivant à peine à tisser des liens avec ses élèves (il est prof au cégep) et souffrant du rejet d’un autre enseignant qu’il a momentanément pris comme un substitut de figure fraternelle ou même paternelle.

Cabale, court roman d’une centaine de pages, raconte sans trop dire tout ce qui manque à ces hommes et interroge par le fait même ce que c’est que d’être un père, un ami, un frère. Ce que c’est que d’être un professeur, aussi, puisque Paul enseigne la littérature au collégial, où il cherche à « allumer des lampions », à « répandre la lumière » dans l’esprit de jeunes, dont certains lui semblent des « crétins certifiés à qui on a fait miroiter une carrière de pilote de ligne ».

Ce que Michael Delisle donne à voir n’a rien de réjouissant, qu’il peigne le portrait d’un père bonimenteur ou de la solitude d’un collègue dont « l’érudition n’a pas plus de valeur aujourd’hui qu’un cabinet de curiosités qui sent le moisi ». Il pose dans Cabale un regard désenchanté, voire désespéré sur le monde. Il le fait toutefois avec une certaine tendresse et un humour parfois féroce, qui donnent du caractère à un récit pourtant ancré dans des choses banales, mené à coups de courts chapitres ciselés.

Cabale

Cabale

Boréal

136 pages

6,5/10