S’intéresser à l’histoire d’un groupe de terroristes et finir par raconter sa propre vie. C’est la démarche de Monica Sabolo dans ce roman original et captivant.

On connaît peu Action directe au Québec, une organisation terroriste française d’extrême gauche très active dans les années 1980. Comme les Brigades rouges en Italie, Action directe est à l’origine de plusieurs attentats, vols à main armée et assassinats, dont celui du grand patron de Renault, Georges Besse, devant son domicile parisien en novembre 1986.

Monica Sabolo s’intéresse aux principaux membres de ce groupe — les derniers ont été arrêtés en 1987 — qui rêvent de renverser le capitalisme. Parmi eux, deux femmes la fascinent particulièrement : Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron, jeune bourgeoise de Neuilly-sur-Seine qui est le sujet d’un autre roman paru cette année, La fille de Deauville, de Vanessa Schneider (Grasset).

Au départ, Sabolo se lance dans une démarche plutôt journalistique : elle fouille dans les archives, tente de remonter le fil de l’histoire, d’interviewer des ex-membres d’Action directe encore vivants, des témoins qui pourraient lui révéler des détails oubliés.

Mais à travers ce récit s’en impose un autre, beaucoup plus personnel, sur sa propre enfance. Née à Milan, en Italie, Monica Sabolo a grandi à Genève avec son frère, sa mère et celui qu’elle croyait être son père biologique jusqu’à ses 15 ans, lorsqu’elle découvre son certificat de naissance avec la mention « père inconnu ».

Sabolo tire les fils des deux histoires et les brode habilement sous nos yeux. À mesure qu’elle en apprend sur les dessous d’Action directe, elle fait la lumière sur les périodes les plus sombres de son enfance : les mensonges, les dénis, l’inceste...

Au-delà de l’histoire qui nous est racontée, la force de ce roman réside dans la narration nerveuse, très vivante, remplie d’interrogations de la part de l’auteure qui nous entraîne dans sa quête obsessive, décrivant les dessous de son processus d’écriture.

Ce n’est pas un hasard si ce septième roman de Monica Sabolo s’est retrouvé sur la deuxième liste des prix Renaudot, Médicis et Goncourt. C’était amplement mérité.

La vie clandestine

La vie clandestine

Gallimard

318 pages

8/10