Élève de cinquième secondaire, Mathéo est un passionné de natation. Il excelle dans les compétitions et rêve aux Jeux du Québec. Comment l’imaginez-vous ? Élancé et musclé ? Ce n’est pas le cas.

Mathéo est gros. « J’avais vraiment envie de montrer que oui, c’est possible d’être gros et d’être sportif à un niveau compétitif », déclare Pierre-Alexandre Bonin, au sujet du personnage principal de son nouveau roman, Mathéo à contre-courant.

Le héros, nommé capitaine de l’équipe de natation de son école, ne s’était jamais soucié de son poids. « Pour moi, être gros, c’est quelque chose de descriptif, comme avoir les cheveux roux, être gaucher ou avoir les yeux bleus, genre. Ça ne m’empêche pas de faire quoi que ce soit », peut-on lire dans ce roman destiné aux 12 ans et plus.

Lors de la première compétition de l’année, la confiance de Mathéo sera toutefois ébranlée. Un adversaire se moquera de son corps. Le commentaire blessant affectera les performances sportives du jeune nageur, ses résultats scolaires, son humeur, ses relations avec les autres et l’image qu’il a de lui-même.

« Je voulais montrer que parfois une remarque comme ça peut avoir un impact majeur sur une personne dans toutes les sphères de sa vie », explique Pierre-Alexandre Bonin.

« Souvent, on va dire : “C’est juste une joke.” Non, ce n’est pas seulement une blague. C’est méchant. Ça fait mal », ajoute l’auteur.

Ce dernier en sait quelque chose. Il a lui-même déjà reçu des commentaires désobligeants sur son poids. Un exemple ? Il raconte un incident survenu à l’université : « J’étais en retard à un cours. Je montais les escaliers deux marches à la fois. […] Il y a deux gars qui sont passés et ils ont dit : “Cours, t’en as besoin. Ça va te faire du bien.” Sérieusement ? Pourquoi dire ça ? Ça leur donne quoi comme sentiment de satisfaction à ces personnes-là ? »

Ouvrir la discussion

Avec Mathéo à contre-courant, l’auteur, qui s’est en partie inspiré de son adolescence pour écrire cette histoire fictive, souhaite ouvrir la discussion sur l’intimidation vécue par les personnes grosses.

« La littérature jeunesse me semble le véhicule le plus approprié pour passer ce message, parce qu’à l’adolescence, c’est là que l’estime de soi se construit. C’est là que la grossophobie et l’intimidation sous toutes ses formes […] font le plus de dommage », croit l’auteur d’une vingtaine de livres jeunesse.

Si je peux faire comprendre à un ado que ce n’est pas le chiffre qui s’affiche sur la balance qui détermine sa valeur comme être humain, je vais avoir réussi ma job avec ce roman-là.

Pierre-Alexandre Bonin

À ses yeux, de nombreux préjugés doivent être déconstruits. « Un corps gros n’est pas un corps malade. Ce n’est pas un corps paresseux. C’est un corps qui peut permettre de faire plein de choses. »

Dans la sphère publique, de plus en plus de voix, surtout féminines, dénoncent la grossophobie. Pierre-Alexandre Bonin avait envie de se joindre à « ce combat qui commence à peine ».

« C’est vraiment avec l’écriture de Mathéo à contre-courant que je me suis rendu compte que j’avais quelque chose à dire sur le sujet et que j’avais envie de prendre position. […] J’espère avoir des animations dans les écoles autour de Mathéo pour en parler directement aux jeunes. J’espère que les profs vont le lire et le faire lire. Il y a matière à ouvrir la discussion en classe de façon saine et constructive. »

La grossophobie est la forme de stigmatisation la plus socialement acceptée parce qu’on en parle souvent sous l’angle de la santé publique.

Pierre-Alexandre Bonin

Sous le couvert de la sollicitude, les gens se donnent le droit de passer des commentaires, note Pierre-Alexandre Bonin. « Les personnes vont dire : “On s’inquiète pour ta santé.” […] Pourquoi tu t’inquiètes particulièrement pour ma santé à moi ? Parce que je suis gros. C’est plein de préjugés. »

À ceux qui se permettent des remarques, il leur conseille ceci : « Arrêtez de commenter. Nos corps ne sont pas des propriétés ou des biens publics. […] Gardez vos pensées pour vous. »

Et aux adolescents qui vivent de la grossophobie, il souhaite leur transmettre ce message : « On a le droit de s’accepter et de s’aimer comme on est. »

Pierre-Alexandre Bonin participera à la table ronde « Tous nos corps sont parfaits » au Salon du livre de Montréal, ce mercredi, à 11 h 15. Il sera aussi en séances de dédicaces mercredi, samedi et dimanche.

Consultez l’horaire des séances de dédicace de Pierre-Alexandre Bonin
Mathéo à contre-courant

Mathéo à contre-courant

Hurtubise

Dès 12 ans