Il est auteur, chroniqueur culinaire et, surtout, cuisinier. Dans son récit L’écume des pâtes, l’Italien Tommaso Melilli raconte sa quête toute personnelle de la vraie cuisine italienne et des gens qui la façonnent au jour le jour. La Presse a rencontré le jeune chef, de passage en ville dans le cadre du volet hors les murs du Salon du livre de Montréal.

Il fait particulièrement frisquet à Montréal en ce lundi matin. Rien pour effrayer Tommaso Melilli, qui visite pour la première fois le Québec (et l’Amérique du Nord), lui qui est natif de Crémone, dans le nord de l’Italie, où il peut faire assez froid en hiver.

À 18 ans, il a fui « cette prison composée de champs de melegot — le maïs — dans laquelle [il s]’étai[t] toujours senti enfermé » pour atterrir à Paris, raconte-t-il dans son livre L’écume des pâtes, dont l’édition de poche de la traduction française a été publiée cette année chez Folio.

Dans ce récit d’autofiction culinaire, Melilli raconte comment, après quelques années d’études en lettres dans une université de la banlieue parisienne, il est, un peu par hasard, devenu cuisinier. Et surtout comment, après une décennie passée dans la Ville Lumière, il a eu envie de partir à la découverte de ses racines et, par le fait même, de la cuisine italienne.

« L’idée de rentrer n’était pas nécessairement réfléchie de ma part et ça ne venait pas d’un amour spécial ou d’une nostalgie pour mon pays. C’était plutôt un défi, et il y avait aussi un élément identitaire dont je souffrais en France : après 10 ans là-bas, j’étais encore l’Italien qui faisait des pâtes. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Tommaso Melilli

« La tradition parle du présent »

« Et si le bon vieux temps, c’était maintenant ? », s’interroge Melilli durant son périple. Pendant ce temps, il se rend, de trattoria en osteria, de villages reculés en montagne ou à la campagne en passant par Turin, Milan ou Rome, passer chaque fois quelques jours en cuisine dans des établissements où naît et vit chaque jour ce qu’il appelle « la nouvelle cuisine italienne ».

Cette cuisine est aujourd’hui définie, croit-il, par deux grands axes : on fait une plus grande place au végétal (« la viande comme accompagnement ») et on travaille l’intégralité des aliments qu’on mange », notamment les abats, qui occupent une place prépondérante dans les plats et recettes qu’il présente au fil de son récit.

Et c’est grâce à une nouvelle génération de cuisiniers qui s’est expatriée pour retourner ensuite au pays natal que cette cuisine est désormais « culturellement possible », juge-t-il : « Un peu comme dans mon histoire personnelle, il y a un détour par l’étranger dans ce mouvement de nouvelle cuisine italienne contemporaine, qui n’aurait pas été possible sans une génération de chefs qui sont allés à Londres, à Copenhague, à New York et qui sont revenus. »

Le lecteur y rencontre de passionnants personnages tous bien réels, alors que le narrateur lui donne accès à un monde souvent caché au regard.

On parle beaucoup de cuisine partout, dans les médias, mais le fait d’être dans les coulisses m’a permis de raconter les choses autrement, de l’intérieur. En entrevue, les chefs lancent leur disque et racontent les choses qu’ils ont appris à dire à tout le monde. Mais après une heure, ils avaient oublié que j’étais là et on était juste dans la vraie vie.

Tommaso Melilli

Le récit du chef est ponctué de réflexions sur la façon dont la cuisine s’exprime à travers cette Sainte Trinité que sont le territoire, les traditions et l’innovation. « On parle beaucoup de cuisine et de tradition culinaire locale en Italie, mais je pense que, quand on parle de tradition, on ne parle jamais du passé, on parle du présent. Cette tradition à laquelle on s’intéresse beaucoup en Italie parle de choses qu’on a perdues et qu’on essaie de reconstruire », remarque-t-il.

« L’écume évoque quelque chose d’immatériel, qui est autour… Et voilà, dans mon livre, je parle de l’immatériel, pas du matériel », indique Tommaso Melilli.

Ce qui fait un restaurant, au-delà de ce qu’on y mange, est aussi au cœur de sa réflexion. « Ce qui m’intéresse, c’est comment, avec trois mots sur un menu ou deux entrées, on peut changer l’énergie d’un espace, d’un quartier. En fait, aucune grande ville démocratique n’aurait suffisamment de moyens pour garantir la sécurité dans les rues la nuit s’il n’y avait pas de restaurant ouvert ! Les restaurants ont une fonction sociale ; on vient payer une somme en échange d’un service, d’un accueil et, dans les meilleurs des cas, d’une intelligence affective qui fait du bien. »

L’écume des pâtes

L’écume des pâtes

Folio

256 pages

Dans le cadre du volet hors les murs du Salon du livre de Montréal (Salon dans la ville), Tommaso Melilli sera de passage à l’Institut culturel italien le 16 novembre à 18 h pour un entretien animé par Ariane Cipriani. Une séance de dédicaces aura également lieu à la Librairie Gourmande du marché Jean-Talon le 19 novembre à 11 h.

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Rectificatif
La version originale de cet article a été modifiée ; l’heure de l’entretien avec Tommaso Melilli à l’Institut culturel italien le 16 novembre est à 18 h et non à 19 h tel qu’indiqué au départ. Nos excuses.