Le Grand Prix du livre de Montréal a été remis jeudi soir à Eli Tareq El Bechelany-Lynch, à la maison de la culture de Verdun, pour son recueil de textes poétiques The Good Arabs, deuxième titre en anglais à remporter le prix depuis sa création en 1965.

« C’est franchement une surprise ; je croyais que je ne gagnerais pas parce qu’il n’y avait pas vraiment de précédent », nous a confié Eli Tareq El Bechelany-Lynch en entrevue.

« Ce qui est encore plus surprenant, c’est qu’en tant que personne trans, arabe et qui écrit en anglais, c’est un choix très différent des années précédentes. Nicholas Dawson avait remporté le prix l’an dernier et c’est une personne queer et racisée, mais là, il y avait cet élément de plus vu que le livre a été écrit en anglais. »

Nicholas Dawson avait conquis le jury l’an dernier avec son essai Désormais, ma demeure, publié aux éditions Triptyque.

La seule fois où le prix avait été décerné à un livre écrit en anglais remontait à 2004, pour Franklin’s Passage, de David Solway.

Entre Parc-Ex et le Liban

Paru l’an dernier chez l’éditeur anglo-montréalais Metonymy Press, The Good Arabs est le deuxième titre d’Eli Tareq El Bechelany-Lynch après Knot Body, publié en 2020. Le recueil de poèmes en prose explore les questions d’identité – l’orientation sexuelle, l’appartenance –, entre les rues de son quartier de Parc-Extension et son pays d’origine, le Liban.

PHOTO FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

The Good Arabs

Écrit essentiellement à Montréal – bien que les voyages de l’auteur au Liban, notamment pendant la crise des déchets qui a secoué le pays en 2015, se soient largement immiscés dans l’écriture –, le livre est émaillé de quelques mots de français, mais surtout d’arabe.

Il y a des mots – et je crois que c’est vrai pour toutes les langues – qu’on ne peut pas traduire en gardant cette même sensation qu’ils ont dans leur langue d’origine.

Eli Tareq El Bechelany-Lynch

« Un lecteur qui parle l’arabe va les comprendre, mais je crois que celui qui ne le parle pas va quand même saisir le sens des mots par leur texture. Des mots comme khallas, je les utilise tous les jours – je ne dirais pas “stop”, même à des gens à qui je ne parle pas en arabe. Donc j’étais juste en train d’imiter [cette habitude] », précise Eli Tareq El Bechelany-Lynch, qui vient de terminer la traduction en anglais de La fille d’elle-même, de Gabrielle Boulianne-Tremblay (à paraître au printemps chez Véhicule Press), et qui travaille sur une anthologie pour Metonymy Press sur les œuvres arabes queer et trans.

Les quatre autres livres qui étaient en lice pour le Grand Prix du livre de Montréal 2022 sont Mille secrets mille dangers, d’Alain Farah, l’essai Sept proses sur la poésie, de Daniel Canty, ainsi que les romans Morel, de Maxime Raymond Bock, et When We Lost our Head, de Heather O’Neill (dont la traduction de Dominique Fortier, Perdre la tête, vient de paraître chez Alto).

Les finalistes remportent une bourse de 1000 $ de la Ville, tandis que le gagnant reçoit 15 000 $.

Le jury était composé de Marie-Célie Agnant, Arianne Des Rochers, Ayavi Lake, Émilie Monnet et Billy Robinson, sous la présidence de Carole David.