(Francfort) Volodymyr Zelensky a exhorté jeudi les écrivains à décrire la « terreur » imposée par la Russie, dans un discours retransmis à la Foire du livre de Francfort, un des principaux rendez-vous mondiaux de l’édition.

« Au lieu d’importer la culture, la Russie importe la mort », a dénoncé le président ukrainien dans une allocution diffusée lors de la manifestation qui propose cette année un gros plan sur l’Ukraine et ses auteurs.

« Je vous demande donc, s’il vous plaît, de tout faire pour que les gens connaissent la terreur que la Russie a apportée à l’Ukraine », a lancé le dirigeant ukrainien, pour qui « la connaissance est la réponse ».

« Des livres, des scénarios, des articles, des rapports, ce sont les réponses », a-t-il martelé.

Une cohorte d’artistes ont fait le déplacement depuis l’Ukraine malgré les difficultés. La première dame ukrainienne, Olena Zelenska, devrait elle-même participer samedi à un évènement organisé marge du salon.

« Je n’ai pas rejoint l’armée, mais nous pouvons nous battre avec notre art », explique à l’AFP l’illustrateur Oleg Gryshchenko.

M. Zelensky a lui-même mis sur le compte d’un « manque de connaissances » l’indulgence dont bénéficierait dans certaines sphères, selon lui, le président russe en Europe.

« Nous devons être francs : il y a encore beaucoup de personnalités publiques en Europe qui encouragent la “compréhension” de la Russie », a-t-il regretté. « Ces personnes sont présentes dans différentes sphères : politique, affaires, ONG et médias. Comment est-ce possible ? La seule réponse est le manque de connaissances ».

Lumière rouge

Les auteurs ukrainiens ont dû affronter nombre d’obstacles pour pouvoir participer à la Foire où ils entendent promouvoir la vitalité culturelle de leur pays.

M. Gryshchenko, 37 ans, a ainsi fait 17 heures de car avec sa collègue illustratrice Olena Staranchuk. « Nous devons être ici pour représenter l’Ukraine », confie-t-il.

L’installation du grand stand de l’Ukraine au centre de conférence, qui accueille des dizaines de milliers de visiteurs et des milliers d’exposants toute cette semaine, a également constitué un défi majeur.

Mobilier et livres ont dû voyager par voie terrestre pour atteindre Francfort, et il a été difficile de tout faire sortir de Kyiv alors que la ville était exposée aux bombardements russes, a expliqué Sofia Cheliak, de l’Institut ukrainien du livre.

« Il faut environ deux jours pour les transporter de Kyiv à Francfort », selon Mme Cheliak. « À cause des attaques, tout était fermé. Il était assez difficile de trouver une voiture et d’organiser tout le processus ».

Le stand présente la diversité de l’édition ukrainienne et également une scène, au-dessus de laquelle une vive lumière rouge clignote lorsque les sirènes de raid aérien se déclenchent en Ukraine.

La culture comme une arme

Quarante-six éditeurs ukrainiens participent à ce salon de cinq jours, qui a débuté mardi, ainsi que de nombreux auteurs, comme le célèbre « poète punk » Sergiy Zhadan, et d’autres acteurs de la scène littéraire.

Les responsables ukrainiens considèrent que ce type d’évènement est essentiel pour contrer les tentatives russes d’effacer l’identité du pays.

Les institutions d’État russes, responsables habituellement du stand de leur pays, ont elles été interdites.

Après l’invasion russe en février, le secteur de l’édition ukrainien, comme beaucoup d’autres, s’est figé, avant de reprendre vie.

Les ventes n’ont pas le niveau d’avant le conflit, mais certains thèmes ont du succès, notamment les ouvrages consacrés à l’histoire de l’Ukraine et à la façon de gérer les traumatismes, détaille M. Cheliak.

Le collectif d’illustrateurs Pictoric considère la foire comme une chance de montrer au monde que l’Ukraine ne se résume pas au conflit.

« Beaucoup de gens ne savaient rien de l’Ukraine, et maintenant nous avons la chance de leur montrer ce qu’est l’Ukraine », se réjouit une des illustratrices du groupe, Anna Sarvira. « Pendant longtemps, nous sommes restés dans l’ombre de la Russie… Nous essayons de changer ça ».