(Paris) Si le numéro un incontesté des ventes de romans, Guillaume Musso, est publié désormais à la rentrée littéraire, le « milieu » des prix Goncourt et autres l’ignore, autant que lui évite soigneusement de le fréquenter.

« Je n’ai rien contre les prix, vraiment. Mais ce n’est pas mon truc, je n’ai jamais écrit pour ça », répond l’auteur à l’AFP.

Un livre paraissait chaque année, tel le muguet, sans faute au printemps. Il a fallu des circonstances exceptionnelles pour que l’auteur favori des Français se décale en septembre : la pandémie de COVID-19.

Lors du confinement du premier semestre 2020, l’écrivain s’est mué en prof à domicile pour son fils, en classe de CP. La parution de L’inconnue de la Seine a alors été retardée.

Angélique, 20e roman de Guillaume Musso, 48 ans, arrive en librairie mardi. Le tirage est de 400 000 exemplaires.

En 2021, tous titres et formats confondus, le romancier avait vendu près de 1,3 million de livres. Sa suivante, Virginie Grimaldi, près d’un tiers de moins.

Prix Raymond-Chandler

Il a le succès, il pourrait prétendre à la reconnaissance. Pourquoi pas les prestigieux prix d’automne ? Amélie Nothomb, par exemple, a un beau palmarès : Grand Prix du roman de l’Académie française en 1999, prix de Flore en 2007, Renaudot en 2021, sans compter qu’elle fut finaliste du Goncourt en 2019.

Rien de tel pour Guillaume Musso. Son éditeur, Calmann-Lévy, préfère placer en bandeau une citation du New York Times : « Le maître français du suspense »… même si la critique du quotidien américain, Sarah Weinman, se disait « déroutée » par un tournant pris par l’intrigue à la fin du roman Central Park.

Le « maître » peut se targuer d’avoir été sacré en Italie, du prix Raymond-Chandler 2021. Il est remis à des auteurs de romans noirs pour l’ensemble de leur œuvre, lors du festival Noir in, à Courmayeur.

« Ça m’a fait plaisir parce que c’est un prix international, qui couronne une œuvre. Margaret Atwood, John le Carré… Plein de gens que j’aime l’ont eu », explique-t-il.

Mais les prix français ? « Je n’ai pas cette envie de rentrer là-dedans : je n’ai pas de contact avec ce petit milieu littéraire et parisien, il ne me fait pas envie, il ne me fait pas rêver », tranche l’auteur de La fille de Brooklyn.

Et de conclure : « Je n’ai rien contre, mais ce n’est pas ma voie. Je n’ai pas besoin d’eux, ils n’ont pas besoin de moi ».

Populaire sans le vouloir

Le prix Goncourt et ses homologues fonctionnent selon des règles opaques, où les éditeurs défendent auprès des jurys les titres à paraître potentiellement à leur goût. Le grand public ne saura jamais lesquels.

Guillaume Musso rencontrait un peu de son lectorat habituel lundi soir dans les locaux historiques de Calmann-Lévy à Paris, des « happy few » invités à cet « évènement privé ».

Ce public acquis à sa cause, qui n’avait pas encore pu lire sa dernière livraison, piaffait d’impatience. L’auteur a expliqué que, dans Angélique, il mettait en scène « pour une fois » une protagoniste peu recommandable, « une de ces héroïnes qu’on adore détester, qui va glisser du mauvais côté ».

Le genre même du livre, thriller où le scénario complexe et l’action priment sur le style, n’est pas du goût du Goncourt.

Il a fallu des années avant que la critique littéraire se décide à le prendre au sérieux, plutôt que de voir en lui un phénomène de mode qui allait finir par passer. Or, cela fait maintenant 11 ans qu’il domine les classements, avec une liste de rivaux qui fluctue.

« Je suis devenu populaire sans chercher à l’être », estime le romancier. « J’occupe aujourd’hui la place que je rêvais d’occuper quand j’avais quinze ans. Ça n’a pas de prix ! »