Bien qu’intitulé Monuments, le nouveau livre de Vanessa Bell est étonnamment modeste. Modeste non pas dans son ambition, mais dans l’humilité avec laquelle il se recueille devant ces choses, effectivement monumentales, que sont le territoire et l’amour.

À la fois carnet de bord d’une visite des côtes de Terre-Neuve, hommage à la vivifiante puissance du vent et rituel de renouvellement des vœux entre deux amoureux, Monuments est une œuvre qui part d’abord du corps, plus précisément de la singulière douceur des muscles fatigués par une journée au grand air. Mais Monuments est aussi l’œuvre d’un regard qui apprend, comme par osmose, sa propre souveraineté, à force de fréquenter la grandeur. « À trop voir l’étendue nos yeux s’accoutument », écrit la poète dans un de ses longs blocs de prose, sans ponctuation, entre lesquels sont intercalées les magnifiques photos de son mari Kéven Tremblay.

Récifs, routes enneigées, eaux agitées, récolte de chanterelles : ces images splendidement brumeuses, plutôt que de cheviller le texte à une interprétation unique, ont le salutaire mérite de rappeler que la poésie n’est pas détachée de la proverbiale vraie vie, mais qu’elle en est peut-être le documentaire le plus authentique, le plus intime. Et voici que l’autrice dresse l’inventaire non exhaustif de ses joies : « Rien de compliqué une pâte à pain que l’on fait frire puis la mélasse à l’abri l’air se gorge de sucres boissons chaudes épices baisers rien de compliqué derrière l’église on prend au nord on marche la côte on pique aux roches nos genoux explosent c’est s’épouser la somme des fruits le vent brutal ton rire qui détone. »

Animé par un double mouvement entre l’immensité du paysage et la riche quiétude d’un monde intérieur qui trouve son apaisement au contact de la toute-puissance de la nature, Monuments porte la parole indomptable d’une femme qui souhaite moins changer l’existence que de laisser tout ce qui l’entoure la changer elle, en mieux. Vanessa Bell refuse de domestiquer ses appétits fougueux.

Monuments

Monuments

Noroît

216 pages

8/10