Ancienne rédactrice mode dans un magazine québécois, Sophie Montminy explore, dans son premier roman, le culte des apparences, la pression de la perfection et la faune qui peuple l’univers des réseaux sociaux. Sous son vernis de légèreté, Imparfaite soulève des questionnements profonds.

Depuis qu’elle a mis le point final à son récit, Sophie Montminy porte sur son avant-bras droit le mot « imparfaite ». Ce titre de travail, qui s’est finalement imposé, marque la fin de la thérapie personnelle qu’a été pour elle l’écriture de ce récit, qui s’est échelonnée sur six ans. Pourquoi cette marque indélébile ? Pour lui rappeler qu’à l’instar d’Anna, le personnage principal de son roman, son désir d’être parfaite lui a un jour fait perdre son chemin.

« C’est difficile pour moi de me sortir de ce carcan, remarque-t-elle, même maintenant, après toutes ces réflexions. »

Après un épuisement professionnel et une dépression qu’elle a ignorés, celle qui est aujourd’hui consultante web et animatrice de la série de balados Femmes de fer confie avoir développé une dépendance aux réseaux sociaux.

Au début, c’était une passion, ça en est devenu une dépendance. Ça me faisait totalement décrocher et c’est devenu comme une façon de survivre. Ça me faisait du bien tout le temps jusqu’à ce que ça en soit nocif.

Sophie Montminy

Comme son personnage, elle est tombée dans ce « trou de lapin » que peuvent être les réseaux sociaux. Poussée à vivre sa vie dans le regard des autres. C’est ainsi que, dans cette histoire, qui se voulait d’abord axée sur l’obsession de l’image, celle des réseaux sociaux a pris une grande place.

Le chaos

On y rencontre Anna, jeune rédactrice qui travaille pour Gisèle, magazine de mode fictif montréalais. Il y a bien sûr le côté glam : les voyages à New York, les rencontres avec les mannequins, les séances de photos, les évènements de lancement.

Se retrouver en arrière-scène d’un spectacle de Katy Perry pour couvrir le lancement de son parfum, Sophie Montminy l’a vécu. Mais pas question pour l’autrice de proposer une version québécoise de Devil Wears Prada.

Oui, tu as accès à ça, mais c’est 5 % du travail. Le reste, c’est le chaos. Le chaos de la pression, du deadline, du travail acharné, du ‟ça ne vend pas cette fois-ci, il faut tout changer la prochaine fois”.

Sophie Montminy

De son passage au magazine Clin d’œil, duquel elle a démissionné en 2016, Sophie Montminy garde un souvenir amer. « De voir tomber ma gang, de voir beaucoup de monde faire des burn-out, des gens désabusés qui disent : ‟J’en peux plus”. C’est un univers qui n’est pas sain. » C’est dans les coulisses de ce milieu, du moins de celui qu’elle a connu il y a six ans, qu’elle a voulu amener ses lecteurs en laissant l’eau de rose dans la penderie pour exposer la vulnérabilité de ses personnages… et parfois leur côté sombre.

Son premier jet ayant été élaboré en pleine vague de dénonciations, le mouvement #metoo l’a profondément ébranlée au point de laisser sa trace dans l’intrigue. « Je l’ai adouci parce qu’au début, c’était une énorme colère pour moi. De voir tous ces gens s’écrouler et de me dire : ‟Tout ça n’est qu’une façade. Derrière, on ne connaît rien.” Mon livre, c’est un backstage de toute cette façade-là. »

Les réseaux sociaux et la société

S’il s’y passe des drames, Imparfaite n’est pas une histoire triste. C’en est une vivante et légère, peuplée de personnages secondaires flamboyants (Clo la styliste stylée, John le youtubeur qui cartonne avec ses vidéos de maquillage, Fannie la belle influenceuse et Vince, alias « Mister Abs »). Un monde où gravite une communauté d’influenceurs qui carburent aux autoportraits et au nombre de visionnements. S’il est de bon ton, dans les sphères intellectuelles, de critiquer et de mépriser les influenceurs, Sophie Montminy condamne ce dénigrement.

« Pour moi, c’est un mauvais combat. Le milieu des médias sociaux, c’est la société. » Avec du bon et du mauvais. Et de l’influence qui peut être positive.

John, par exemple, c’est un personnage qui vit de sa passion. Ce n’est pas parce que tu parles de pots de crème puis de rouge à lèvres que tu es négatif.

Sophie Montminy

Sans surprise, ce sont surtout les jeunes adultes qu’elle souhaite rejoindre. « Les jeunes me poussent beaucoup. Je les vois de plus en plus arriver cette anxiété et cette dépression très jeune, que moi j’ai vécues, par la force, l’expérience, par quelque chose qui est arrivé dans ma vie. Pas en début de carrière. » Avec une couverture à l’avenant, elle espère voir son roman se frayer un chemin sur TikTok, puis sur la table consacrée à cette plateforme dans les librairies Indigo qui est, déplore-t-elle, dominée par les auteurs américains.

« Je suis parfaitement consciente de ce que j’ai écrit, affirme sans complexe Sophie Montminy. Je suis parfaitement consciente que mon histoire est populaire. Si tu as le goût de te faire du fun avec ça, go for it ! C’est du Sex and the City, si ça te tente. Mais ça peut être autre chose si tu veux. Tu peux le lire et te poser des questions. »

Imparfaite

Imparfaite

Québec Amérique

352 pages