C’est un premier roman fort et qui frappe en plein dans le mille, là où ça fait mal, que nous offre Alex Viens avec Les pénitences.

Peut-on jamais se réparer des relations familiales qui nous ont brisé ? Pour Jules, la protagoniste des Pénitences, la question n’est pas rhétorique. Elle est inscrite dans sa chair comme une plaie qui n’a besoin que d’une petite pression pour se rouvrir, béante, pustuleuse.

Alex Viens, qui s’est fait connaître avec sa défunte chaîne YouTube Grand-mère grunge, propose un huis clos anxiogène avec ce premier roman qui prend aux tripes. Jules arrive chez son père, Denis, un vieux punk avec qui elle a coupé les ponts, armée d’une mystérieuse petite boîte à lui remettre. Malgré ses réticences, elle se fait prendre dans les mailles du filet de son paternel, qui la presse de rester, refermant la porte à clé – de l’intérieur – derrière lui. Les langues se délient, père et fille se relancent avec méfiance, mais une certaine connivence s’installe dans leurs réparties acides comme de la bile, comme une vieille chanson de The Cure qu’on connaît par cœur et qu’on entame malgré nous. Et si la rédemption était possible ?

Petit à petit, Viens instille un malaise de plus en plus oppressant, une joute de pouvoir terrifiante entre le père et la fille qui ne peut que mal finir. On plonge dans les souvenirs de Jules, retisse le fil d’une enfance brisée par un père colérique et manipulateur, prêt à tout pour garder ses filles sous son joug éternel, alors que dans l’appartement-prison, une lutte mentale et physique s’installe entre les deux protagonistes, à la fois victime et bourreau l’un de l’autre. En replongeant dans son passé, en faisant l’autopsie de sa vie, Jules pourra-t-elle se défaire, comme d’un vieux manteau, de cette culpabilité dont elle a fait un porte-étendard ? « Jules a un talent pour les mots qu’elle s’adresse à elle-même. Un par un, elle les épingle dans sa collection. Une nuée de papillons tragiques qu’elle catalogue patiemment, un par un, pour retrouver celui qui expliquerait enfin l’origine de tout ce qui va mal. Et c’est toujours le même : Jules. »

Entre écriture brute mue par une vie contaminée par la violence et la misère, et passages imagés empreints d’une émouvante fragilité, Alex Viens fait une démonstration éloquente, mais pas du tout didactique, de ces enjeux. On souligne ainsi à quel point les racines profondes des relations de domination malsaines agrippent les esprits comme des cauchemars dont il est difficile de s’extirper. Et il est impossible de détourner le regard jusqu’à la scène finale, cathartique, à en donner des frissons.

Les pénitences

Les pénitences

Le Cheval d’août

144 pages

7/10