Découvrez nos critiques de bandes dessinées.

Maître Bilal s’emmêle

Extraits de Bug, tome 3
  • Extrait de Bug, tome 3, d’Enki Bilal

    IMAGE FOURNIE PAR CASTERMAN

    Extrait de Bug, tome 3, d’Enki Bilal

  • Extrait de Bug, tome 3, d’Enki Bilal

    IMAGE FOURNIE PAR CASTERMAN

    Extrait de Bug, tome 3, d’Enki Bilal

  • Extrait de Bug, tome 3, d’Enki Bilal

    IMAGE FOURNIE PAR CASTERMAN

    Extrait de Bug, tome 3, d’Enki Bilal

  • Extrait de Bug, tome 3, d’Enki Bilal

    IMAGE FOURNIE PAR CASTERMAN

    Extrait de Bug, tome 3, d’Enki Bilal

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Plus le temps passe, plus Enki Bilal divise. Le bédéiste, véritable icône de la science-fiction et de l’anticipation à la française, a ses admirateurs invétérés. Il a en effet offert des œuvres magistrales jusqu’au tournant des années 1990, dont plusieurs avec le scénariste Pierre Christin : Exterminateur 17, Les Phalanges de l’Ordre noir, La croisière des oubliés, Partie de chasse et la Trilogie Nikopol. Or, depuis sa Tétralogie du monstre, son aura se fissure.

Sa série Bug, dont le troisième tome vient de paraître, montre à la fois ce qui intrigue toujours chez Bilal et ce qui agace. La ligne directrice de son scénario est porteuse : un virus a détruit tous les appareils numériques et les données stockées dans les mémoires des ordinateurs partout sur la planète. S’ensuit un chaos prévisible : privée de mémoire et de l’essentiel des moyens de communication, l’humanité panique, les États se méfient les uns des autres et les radicalismes s’emballent.

Ici, le salut de l’humanité repose peut-être dans la tête d’un seul homme, Kameron Obb. Au retour d’une mission martienne, il a été infecté par une étrange bibitte bleue qui l’a inexplicablement rendu dépositaire de la mémoire du monde et seul être pouvant redonner vie aux machines numériques. Ce qui fait de lui un atout sur lequel tous les États, mafias et groupuscules politiques veulent mettre la main pour avoir accès à son savoir, sinon pour réactiver les implants bionumériques qui tiennent leurs chefs en vie.

Kameron Obb est encore en fuite dans ce troisième tome. Il a renoué avec sa fille, Gemma, et communique avec elle de manière télépathique grâce à la tache bleue sur son visage. Le bogue introduit dans son corps se manifeste davantage et lui parle aussi, mais la pluie bleue apparemment à l’origine des problèmes informatiques qui ceinturait la lune semble vouloir descendre sur terre. Awden Marxoe, celui qui a organisé sa mission sur Mars, est réapparu et l’appelle à le rejoindre pour sauver l’humanité.

Bilal orchestre ici une série d’évasions et de rebondissements, mais s’emmêle aussi dans un charabia politico-spirituel… comme ça lui arrive souvent. Son sarcasme fait parfois sourire, mais n’allège en rien un récit compact à la narration et aux dialogues très cérébraux. Le talent du bédéiste tient surtout à l’acuité avec laquelle il imagine des scénarios catastrophes ancrés dans des risques ou des angoisses actuels. Et à son dessin, reconnaissable entre tous.

Or, même sur ce plan, malgré la beauté saisissante de certaines images et compositions, la superstar du neuvième art fait du surplace. Bilal puise dans le même catalogue de têtes (assez limité, il faut le dire) depuis des décennies. Le bleu, le gris, les couleurs délavées, comme usées par la pollution, dominent encore. On referme ce tome 3 un peu perplexe en attendant la suite sans avoir trop d’espoir que ça se redresse et en regrettant que Bilal reste autant dans les sentiers qu’il a lui-même battus et rebattus.

Bug, tome 3

Bug, tome 3

5/10

Une aventure qui commence bien

IMAGE FOURNIE PAR LA MAISON D’ÉDITIONS

Stanley Péan se lance dans la bande dessinée en signant le scénario et les dialogues de Fuites – Izabel Watson, tome 1, chez Mains libres. La bande dessinée raconte le périple d’une jeune horlogère qui fuit Londres pour l’Amérique en 1870 et débarque à La Nouvelle-Orléans où les tensions raciales demeurent vives après l’abolition de l’esclavage. Izabel, dont le père a été soigné par un médecin noir qui a les traits du scénariste, ne comprend pas les réactions qu’elle provoque en se liant d’amitié avec un ancien esclave, débardeur de jour et musicien de soir.

Ce premier tome laisse entrevoir une série fort intéressante, menée par un personnage au riche potentiel – Izabel a quelque chose de naïf, mais a beaucoup de cran – et campée dans une époque bouillonnante. Le scénario de Stanley Péan est d’ailleurs la principale qualité de l’album qui, visuellement, ne fera probablement pas l’unanimité.

Les compositions du dessinateur Jean-Michel Girard font penser au roman-photo et les personnages semblent avoir été collés sur les décors. Tout ça manque de relief. Il plaque par ailleurs une scène de nudité aussi racoleuse qu’inutile au début du récit. Son style penchant vers le réalisme est toutefois d’une précision impressionnante. (Alexandre Vigneault)

Fuites – Izabel Watson, tome 1

Fuites – Izabel Watson, tome 1

Éditions Mains libres

72 pages

6/10

Une mule contre l’autodafé

IMAGE FOURNIE PAR DARGAUD

Extrait de La bibliomule de Cordoue

Califat d’Al Andalus, Espagne. Année 976. Le calife Abd el-Rahman III et son fils ont fait de Cordoue la capitale occidentale du savoir. Avec ses 400 000 livres copiés à la main, sa bibliothèque est la plus riche à l’ouest de Bagdad. Quand Amir le vizir se retrouve au pouvoir, il prend la décision de brûler tous les ouvrages qu’il juge impies…

Mais Tarid veille. L’eunuque qui veille sur la bibliothèque entreprend de sauver autant de titres que possible. Aidé par Lubna, une esclave devenue copiste, et Marwan, son ancien apprenti devenu voleur, il se lance sur les routes d’Espagne avec, à ses côtés, une mule entêtée chargée d’une montagne de livres.

Cette BD superbement écrite par Wilfrid Lupano et illustrée avec beaucoup de vivacité par Léonard Chemineau s’attarde sur un évènement peu connu, mais bien réel de l’histoire. L’autodafé de Cordoue a bel et bien eu lieu. Le reste n’est peut-être que fiction, mais quelle fiction ! Les aventures de ce trio mal assorti par monts et par vaux sont de pures délices d’humour, de tendresse, de sagesse. La tête et le cœur sont ravis de cet album intelligent qui nous rappelle que la liberté de pensée reste toujours menacée et que mettre les livres au bûcher est une pratique qui, malheureusement, se perpétue. Un grand bonheur de lecture ! (Stéphanie Morin)

La bibliomule de Cordoue

La bibliomule de Cordoue

Dargaud

264 pages

8/10

Le chemin vers une sexualité décomplexée

IMAGE FOURNIE PAR POW POW

Extrait de Confessions d’une femme normale

« J’ai toujours adoré parler de sexe avec les gens que j’aime. » Dans cette BD de la Montréalaise Éloïse Marseille, le ton est donné d’emblée, dès la première bulle. De sexe elle parlera. Sans complexes ni tabous, la bédéiste se met littéralement à nu pour nous faire vivre à ses côtés son apprentissage de la sexualité.

Depuis son premier baiser à l’âge de 6 ans jusqu’à sa dépendance à la porno, en passant par sa peur panique des pénis (et des vagins, pas de discrimination là-dessus !), Éloïse Marseille lève le voile sur la honte qui l’a longtemps envahie lorsqu’il était question de sexualité. Ce récit intimiste et plein d’humour (mais néanmoins touchant par moments) est une lecture des plus plaisantes. Impossible d’ailleurs de ne pas se reconnaître ici ou là dans cette jeune femme en quête d’amour, pour qui les codes de la sexualité sont longtemps restés un mystère. (Stéphanie Morin)

Confessions d’une femme normale

Confessions d’une femme normale

Pow Pow

164 pages

6/10

Autres sorties

Secret Passages

Secret Passages

Secret Passages

Top Shelf Productions

184 pages

La bédéiste Axelle Lenoir, nommée aux Eisner Awards pour What If We Were ? (version anglaise de Si on était), vient de publier une sorte d’autobiographie fantasmée intitulée Secret Passages – en anglais, donc. On reconnaît dans cet album son sens des dialogues qui ont du punch, une autodérision et une ironie fort drôles. La petite Axelle est malcommode, mais immensément imaginative et très attachante. Sortie en français prévue à la fin de l’année ou au début de l’an prochain. (Alexandre Vigneault)

Ce que nous sommes

Ce que nous sommes

Ce que nous sommes

Rue de Sèvres

88 pages

Dans ce récit d’anticipation, planté en 2113, le bédéiste Zep raconte un monde dans lequel certains humains ont reçu un implant qui les lie en tout temps à un centre de gestion des cerveaux. Mais lorsque le système intégré de Constant est piraté, ce dernier se retrouve dans un univers où tout lui échappe, mais où l’humanité a retrouvé ses droits. Glaçant, malgré un dénouement prévisible. (Stéphanie Morin)

Adieu triste amour

Adieu triste amour

Adieu triste amour

Pow Pow

204 pages

La Montréalaise d’origine française Mirion Malle (qui nous avait donné le délicat C’est comme ça que je disparais en 2020) récidive avec un album tendre où il est question d’amour qui chancelle, de découverte de soi et du bonheur de se voir renaître. Même si la première moitié du récit s’étire un peu en longueur, Adieu triste amour s’avère un album doux, mais vivifiant, comme une brise de printemps.