Une mission de longue haleine
Cormoran Strike est un ancien militaire à l’allure de boxeur et au caractère bourru qui a perdu une jambe en Afghanistan. Son associée, Robin Ellacott, et lui gèrent une agence de détectives privés à Londres. Dans Sang trouble, ils enquêtent pour la première fois sur une affaire classée, un cas bien différent des histoires d’adultère et des filatures qui occupent habituellement leur quotidien.
Les deux détectives se lancent dans cette mission avec l’impression de tenter l’impossible. Ils ont un an pour trouver ce qui est arrivé à la Dre Margot Bamborough, qui s’est évaporée sans laisser de traces au courant des années 1970, et dont la fille cherche à résoudre enfin le mystère de la disparition. Ils entreprennent alors d’interroger tous les nombreux témoins de l’époque pour reconstituer les derniers mois de sa vie. Un véritable travail de moine dont on suit les développements à pas de tortue. Car on avance lentement, très lentement, dans cette histoire qui s’étire en longueur. Sans que cette cadence réduite soit désagréable pour autant.
L’intrigue sentimentale
En parallèle à l’enquête sur la disparition de Margot Bamborough et leurs autres affaires en cours, sur lesquelles ils travaillent de jour comme de nuit, une intrigue sentimentale se déploie entre les deux détectives privés qui se côtoient depuis quatre ans. Entre eux, la chimie opère cependant dans l’ombre, l’un et l’autre hésitant entre l’envie d’exprimer les sentiments réciproques qui affleurent et la peur de perdre tout ce qu’ils ont sacrifié pour faire prospérer leur agence. Robin doit composer avec son divorce qui tarde à se régler, alors que Strike est en proie à bon nombre de problèmes personnels. On plonge également avec grand intérêt dans le passé de l’ancien soldat – que l’on ait lu ou non les titres précédents.
Ce qui fait le charme de ces deux personnages que tout oppose – et dont les enquêtes ont été adaptées au petit écran –, c’est qu’ils ne comptent ni les heures ni les efforts qu’ils mettent dans leur travail, effaçant les frontières entre leurs vies privée et professionnelle.
Au fil de leurs recherches, on entre dans leur intimité, leurs secrets profondément enfouis et leurs dilemmes, petits et grands.
Et c’est à travers ces scènes anodines, ces pointes d’humour qui percent à travers la grisaille britannique, ces ambiances décrites avec minutie, de même que cette finesse à cerner la psyché de ses personnages, que se démarque le style inimitable de l’écrivaine.
Un univers dense
Même si c’est une enquête qui constitue la toile de fond du récit, ce n’est pas un simple roman policier que construit J. K. Rowling ; elle édifie un univers qui s’épaissit d’une découverte à l’autre et sème suffisamment de pièges pour nous enliser dans un mystère aux apparences insondables, construisant une intrigue d’une densité étonnante et au dénouement aussi inattendu que troublant.
Les détectives déterreront bien des secrets ; ils s’immisceront dans les arcanes régissant les liens intrafamiliaux, rouvrant des conflits dont les cicatrices sont toujours aussi vives malgré les années qui ont passé. Sang trouble est également une incursion passionnante au cœur de Londres, ses pubs, ses quartiers ; un voyage jusqu’aux Cornouailles et aux stations balnéaires du Nord qui donne l’impression, à l’issue de sa lecture, d’avoir fait un long et lointain périple duquel on ne peut s’échapper sans admettre qu’il peut bel et bien exister des êtres humains de la trempe d’un Voldemort.
En librairie le 4 mai
Sang trouble
Grasset
928 pages