Dix ans après le grand succès qui l’a révélé au monde entier, le romancier suisse Joël Dicker retourne en terrain connu pour signer une suite indépendante à La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Son tout nouveau titre, L’affaire Alaska Sanders, qui arrivera mercredi en librairie, reprend les mêmes ingrédients qui lui avaient permis de conquérir des millions de lecteurs. Entretien avec un écrivain qui vient également de fonder sa propre maison d’édition.

On l’a souvent comparé à son héros, Marcus Goldman. Le jeune écrivain qui, déjà, dans La vérité sur l’affaire Harry Quebert, connaissait un succès foudroyant après la publication de son premier roman. Dans L’affaire Alaska Sanders, il enquête de nouveau avec le sergent Perry Gahalowood – toujours sur la côte est américaine – sur le meurtre d’une jeune femme tuée 11 ans plus tôt, l’ombre de Harry Quebert à son côté.

« Marcus, c’est l’incarnation de moi, enfant, qui rêvait, qui travaillait dur en me disant : j’espère qu’un jour, on va lire mes livres, que j’aurai la chance d’être lu. C’est mon rêve d’enfant », raconte Joël Dicker par vidéoconférence, de passage à Nice, en France, où il se trouve pour la promotion de son livre.

Ceux qui ont déjà lu ses romans retrouveront facilement leurs repères dans L’affaire Alaska Sanders : une intrigue labyrinthique, de multiples rebondissements, de constants allers-retours entre passé et présent… et surtout un suspense efficace qui tient le lecteur en haleine jusqu’au bout de ce pavé imposant.

Si, l’espace d’un instant, on a vu dans le retour de ses personnages fétiches le signe qu’ils deviendraient récurrents dans son œuvre, notre espoir est de courte durée puisqu’il nous apprend d’entrée de jeu que 10 ans plus tôt, il envisageait déjà de faire une trilogie – et rien de plus – avec Marcus Goldman. Il se laisse toutefois la liberté de le retrouver un jour.

L’affaire Alaska Sanders est vraiment un tome 2 qui va entre La vérité sur l’affaire Harry Quebert et Le livre des Baltimore. C’était le projet initial quand j’ai écrit Harry Quebert. […] Les trois livres sont complètement liés et, en même temps, ils peuvent être lus de façon absolument indépendante les uns des autres.

Joël Dicker

La notoriété de l’écrivain n’étant plus à faire, L’affaire Alaska Sanders fait déjà « sa petite vie », affirme Joël Dicker. Les droits de traduction ont déjà été vendus dans bon nombre de pays européens ainsi qu’en Amérique du Sud. Aux États-Unis, en revanche, où est située l’action de quatre de ses six romans, c’est plutôt son précédent, L’énigme de la chambre 622, qui paraîtra en septembre.

Rayonnement international

« Les Américains ne sont pas fans des romans qui se passent chez eux, encore moins quand c’est une traduction », dit-il, se rappelant la tournée de promotion de La vérité sur l’affaire Harry Quebert aux États-Unis, il y a quelques années. « C’était amusant parce que j’arrivais dans les librairies et je commençais mon petit discours dans mon anglais – qui est très bon, mais qui est teinté d’un accent germanique, comme chez tous les Suisses. Et là, je voyais tous les lecteurs qui prenaient leur livre et qui commençaient à l’ouvrir pour se rendre compte que c’était une traduction. J’étais évidemment flatté parce que ça voulait dire que j’avais bien raconté leur pays et que le mimétisme avait marché ; mais en même temps, ils étaient un peu déçus. Du coup, je suis curieux de voir comment L’énigme de la chambre 622, qui se passe à Genève et dans les Alpes suisses, sera reçu. »

Les États-Unis ont souvent été le théâtre de ses romans parce qu’il connaît bien la côte est – « ça fait 20 ans que j’y vais », dit-il –, mais Joël Dicker évoque également Montréal au début de L’affaire Alaska Sanders. Car en plus d’y avoir séjourné pour le tournage de l’adaptation télévisée de La vérité sur l’affaire Harry Quebert (en 2017), l’écrivain suisse confie avoir « eu la bonne idée » d’épouser une Montréalaise.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Joël Dicker à Montréal en 2018

« Avant la pandémie, on était trois fois par année à Montréal. J’ai dû y aller 30 fois dans ma vie, si ce n’est pas plus, donc c’est un endroit que je commence à connaître très bien et je serais capable de rendre l’atmosphère et les ambiances. » Mais écrire un roman qui y serait situé est une tout autre histoire, précise-t-il, notamment en raison du défi posé par la langue dans les dialogues.

Une nouvelle maison d’édition

La parution de L’affaire Alaska Sanders coïncide par ailleurs avec l’inauguration de la maison d’édition de Joël Dicker, Rosie & Wolfe, établie à Genève après qu’il a renoncé à se trouver un nouvel éditeur après la mort, en 2018, de Bernard de Fallois, qui avait été à son côté depuis ses débuts.

J’aurais eu l’impression de trahir [Bernard de Fallois]. En même temps, j’avais beaucoup participé avec lui à toute la fabrication des livres, donc je me suis dit : puisque je sais le faire, autant que je le fasse.

Joël Dicker

Si le catalogue n’est à ce jour constitué que de ses propres titres, deux nouveautés devraient voir le jour annuellement à compter de l’an prochain – tous genres confondus.

Deux essais sont prévus pour 2023, des coups de cœur glanés au fil de ses voyages et de ses rencontres, qu’il a « envie de partager et de défendre ». Et il compte bien s’en tenir à deux titres par an parce que son métier – et ce qu’il aime faire –, dit-il, c’est écrire.

Joël Dicker semble en effet porté à multiplier les projets, ayant même racheté une chocolaterie emblématique de Genève en 2019. Mais une chose est certaine, l’écrivain ne se lancera pas dans un nouveau projet d’écriture dans l’immédiat, afin de se donner le temps de terminer la promotion de L’affaire Alaska Sanders – une leçon apprise à la suite de la parution de La vérité sur l’affaire Harry Quebert.

« Ce qui est sûr, c’est que mon prochain livre ne sera pas encore une aventure de Marcus. J’ai envie de faire autre chose. Est-ce que, dans un an ou dans dix ans, j’aurai envie de rajouter à la trilogie un livre ou deux ? Peut-être, peut-être pas. Vous savez, il faut écouter ses envies. »

Joël Dicker sera au Renaud-Bray de la rue Saint-Denis, à Montréal, le 21 avril à 17 h 30 pour une séance de dédicaces, et le 28 avril à la librairie Laliberté de Québec, à 17 h.

L’affaire Alaska Sanders

L’affaire Alaska Sanders

Rosie & Wolfe

576 pages