Les nuits seront longues et les verres de gin, jamais assez grands, jamais assez apaisants. « [C]’est pas contagieux une tentative de suicide/c’est pas contagieux ça fait juste très très mal », écrit Carolanne Foucher dans les premières pages de Submersible. Juste très, très mal ?

Révélée en 2020 grâce à Deux et demie, la chronique versifiée d’un amour frelaté se heurtant à l’exigüité d’un appartement, la comédienne et poète renoue dans ce deuxième livre avec ce ton faussement badin, sous lequel coule une rivière de douleur. Elle est cette fille qui, sur le pont du Titanic s’abîmant, lance des blagues à la volée, non pas parce qu’elle vit dans le déni, mais parce que c’est plus fort qu’elle.

Il se trouve que le Titanic qui s’abîme, cette fois-ci, c’est elle. À la suite de la mort d’un ami qui n’était pas qu’un ami (c’est compliqué), la narratrice de Submersible est taraudée par la tristesse d’un deuil étrange, celui d’une relation qui n’avait pas exactement de nom. Un deuil qui, chez les autres, suscite davantage les haussements d’épaules indifférents que la compassion, même chez les professionnels qui devraient l’aider. Et si seulement il existait une telle chose que des « antibios pour [sa] petite tête ».

Artisane d’une poésie narrative camouflant ses adresses sous une écriture qui ressemble au parler du quotidien, Carolanne Foucher parvient pourtant à infléchir à cette langue familière un rythme qui lui appartient en propre, conjuguant la rassurante chaleur d’une conversation avec une amie particulièrement comique à l’économie de moyens d’une conteuse qui sait planter un décor en quelques éléments clés. Sa plus grande qualité d’autrice réside dans cette astuce, qu’elle maîtrise à merveille, consistant à soutirer toute sa sève émotive et littéraire à un détail d’apparence banal, dans lequel s’est déposée la mélancolie d’un souvenir précieux.

« [I]l me semble que j’ai été nue devant tellement de gens/sans vraiment jamais me déshabiller », dit son alter ego. La voilà pourtant ici, revenue des profondeurs, dans toute sa puissante et salutaire vulnérabilité.

Submersible

Submersible

Éditions de Ta Mère

144 pages

7/10