Parfois, il suffit d’une autre perspective pour juger sa vie différemment. Et peut-être qu’en redisposant les pièces de son existence, comme des pions sur un échiquier, de nouveaux chemins se tracent et ouvrent ainsi une infinité de possibilités.

« Il n’y a pas une bonne façon de jouer, il y en a un grand nombre. Aux échecs, comme dans la vie, c’est peut-être la base de tout », écrit Matt Haig dans La bibliothèque de Minuit.

C’est ce que découvre Nora, une femme de 35 ans qui habite dans une petite ville pluvieuse dans les environs de Londres et qui décide qu’elle ne veut plus vivre à partir du jour où, après une succession de mauvaises nouvelles, elle sent qu’elle est devenue « superflue pour l’univers entier ».

Sous de faux airs de légèreté, le roman nous transporte dans un multivers entre la vie et la mort – une bibliothèque, en l’occurrence, où Nora peut choisir parmi une collection de livres sans fin la vie qu’elle aurait aimé avoir. Car derrière un ton candide se cache en fait de profondes réflexions sur l’existence, émaillées de citations de Camus, Thoreau ou Sartre.

Dans cette « bibliothèque de possibles », régie par la vieille bibliothécaire de son école secondaire qui la guide dans ses apprentissages, Nora comprend, à travers toutes ces autres vies qu’elle expérimente pour effacer ses regrets, qu’aucune d’entre elles n’est parfaite. Qu’aucune vie, aussi séduisante en apparence soit-elle, n’immunise contre la tristesse, les déceptions ou ces sentiments de vacuité et de solitude profonde qui peuvent donner l’envie de tout abandonner.

La bibliothèque de Minuit n’est pas sans rappeler Rester en vie, l’œuvre autobiographique de l’auteur qui a connu un grand succès à sa publication, en 2016, et dans laquelle il a raconté sa tentative de suicide et son combat vers la guérison. Le roman ne fait peut-être pas de grandes révélations ; c’est plutôt le genre de livre qui donne l’envie de voir les choses différemment, une leçon à la fois. Mais son tour de force est certainement de parvenir à nous montrer la fragilité de ces bonheurs illusoires qui minent l’existence, en posant des questions à la fois simples et si justes.

La bibliothèque de Minuit

La bibliothèque de Minuit

Mazarine

414 pages

7/10