Ce n’est pas exactement un deuil. Ni seulement une perte. Il n’y a pas de mot, en fait. N’empêche que la peine, elle, est bien réelle : celle du deuil d’un enfant qui n’est pas à soi (et qui n’est pas mort non plus !). Compliqué ? Ça l’est.

Dans Les douze mois de Marie, publié ces jours-ci aux Éditions Mains Libres, la comédienne et autrice Marie-Chantal Perron signe un texte touchant, dur et vrai à la fois, bourré d’émotions, sur une rupture amoureuse. Mais attention, pas celle que l’on croit. Sa rupture (désunion ?) ou son deuil, bon, faute d’une meilleure expression, est tout autre. C’est celle d’une belle-mère et de la fille de son (ex) conjoint. Une femme et sa belle-fille, quoi. Un sujet inédit, assurément plus commun qu’on croit.

« Librement inspiré d’une véritable histoire d’amour », précise aussi le court ouvrage, tendrement illustré par Geneviève Boivin-Roussy, qui parvient ici, à travers les différents chapitres (divisés en mois, tel un calendrier), à décortiquer cette scission sans nom.

En 12 mois, donc, on suit l’héroïne (une certaine Marie, « parce qu’on a toutes ce nom-là sur nos baptistaires ! »), qui prend l’inévitable et non moins déchirante décision de laisser son conjoint. Et ce, malgré tout l’amour pour cette enfant (qui n’est pas sienne) qui la retient.

Et elle le dit si bien : « Prunelle, ma belle-fille, si belle mais fille d’une autre, par ton arrivée dans ma vie, tu me sacres belle-mère sans être belle ni mère de personne. […] Prunelle, ma petite fleur d’amour, ma surprise de fou […] pardonne-moi. »

  • De tendres illustrations signées Geneviève Boivin-Roussy

    IMAGE FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

    De tendres illustrations signées Geneviève Boivin-Roussy

  • De tendres illustrations signées Geneviève Boivin-Roussy

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    De tendres illustrations signées Geneviève Boivin-Roussy

  • De tendres illustrations signées Geneviève Boivin-Roussy

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Pour cause : le « lien invisible », comme le résume son autrice, qui en est ici à son second ouvrage sur le sujet (après copine et Copine, en 2019) et que nous avons rencontrée la semaine dernière pour en discuter, n’a pas davantage de termes pour le définir, l’encadrer et encore moins le reconnaître.

Le rôle « éjectable »

Qu’est-ce qu’un beau-parent, au juste ? Un rôle « fabriqué de toutes pièces », comme elle dit, à la fois « flou », « ingrat », « sans droits », « hors des lois ». « Une figure parentale éjectable. » Pire : éjectée. Quand rupture il y a. Et elle le sait trop bien. D’où la douleur, anticipée et concrétisée.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La comédienne et autrice Marie-Chantal Perron

Il y a de plus en plus, dans notre société, de familles recomposées qui se décomposent. Or, dans la décomposition, les enjeux pour les enfants et les beaux-parents ne sont pas légiférés. Comme société, il va falloir qu’on se questionne…

Marie-Chantal Perron

Sa fiction sent effectivement le fait vécu. Marie-Chantal Perron ne le cache pas. « C’est sûr que c’est un élan du cœur, confirme-t-elle. Si tu prends la peine d’en parler, c’est sûr que c’est un enjeu dans ta vie. » Elle n’en dira pas plus. Ou qu’à demi-mot. « C’est quelque chose qui est parti de moi, mais je me suis permis d’aller dans la fiction pour garder une pudeur, ne pas aller dans le règlement de comptes, mais plutôt dans le questionnement. »

Espoir

Son histoire ose d’ailleurs une lueur d’espoir. « C’est une fiction lumineuse pour donner espoir que ces liens survivent dans la vie, poursuit l’autrice. Et c’est aussi une façon de dire : un lien si puissant garde toujours une porte ouverte. »

On devine ici que l’écriture a eu l’effet d’un baume. « C’est doux, l’écriture, confirme Marie-Chantal Perron. Je n’ai pas voulu une œuvre coup de poing, mais plutôt apporter des questionnements, dans la réparation et dans la fiction », insiste-t-elle.

D’ailleurs, elle conclut : « Si je peux faire évoluer ce petit bout, qu’on comprenne que cette portion d’amour dans une famille recomposée vaut la peine d’être considérée, qu’on n’est pas juste un siège éjectable, alors j’aurai atteint mon but. »

Les douze mois de Marie

Les douze mois de Marie

Éditions Mains Libres

128 pages

Lectures théâtrales

Les douze mois de Marie est aussi offert en radio-théâtre (avec Anne Dorval, Bianca Gervais, France Castel, Didier Lucien, Patrice Godin, Francis Ducharme et Marie-Chantal Perron) sur la plateforme OHdio, de Radio-Canada.

Écoutez Les douze mois de Marie en radio-théâtre sur OHdio

Marie-Chantal Perron fera également des lectures théâtrales de son texte dans le cadre des Arts d’été (Les Productions Martin Leclerc) à Gatineau, à Québec et à Montréal.

Consultez les dates de spectacles des Arts d’été