Delaf, dessinateur de la populaire série Les Nombrils, a été choisi pour redonner vie à l’un des plus célèbres personnages de la bande dessinée francophone : Gaston Lagaffe. Il publiera dès le 6 avril de nouveaux gags chaque semaine dans le Journal Spirou et signera un album complet à paraître le 19 octobre chez Dupuis intitulé Le retour de Gaston Lagaffe, qui sera tiré à plus de 1 million d’exemplaires.

Delaf, pseudonyme de Marc Delafontaine, originaire de Sherbrooke, a pu briser le silence jeudi au moment de l’annonce faite par Dupuis, qui publie aussi Les Nombrils. « Près de trois ans à vivre dans le secret, je peux enfin vous partager ma joie ! Merci aux Éditions Dupuis d’avoir placé leur confiance en moi, a-t-il écrit sur sa page Facebook. Franquin m’a donné envie de faire ce métier, alors c’est avec beaucoup de respect et d’humilité que je prendrai soin de son Gaston. Sur ce, je retourne dans ma grotte, j’ai un album à finir ! »

Il n’a pas été possible de parler de cette grande annonce avec Delaf, Dupuis lui ayant demandé d’attendre le lancement de l’album – annoncé pour octobre en Europe et novembre au Québec – pour accorder des entrevues. Stéphane Beaujean, directeur éditorial aux Éditions Dupuis, a toutefois expliqué sa décision de confier la renaissance du plus fainéant des personnages de la bande dessinée francophone au dessinateur québécois.

« C’est un accident, résume Stéphane Beaujean. Tout le monde avait envie de reprendre Gaston, mais personne n’osait y penser vraiment. Il n’y avait rien d’organisé. Un jour, il y a eu un livre un peu hommage [La galerie des gaffes, 2017] qui a été commandé à plein d’auteurs et Delaf a fait une proposition dans le style de Franquin, qui n’était pas du tout une proposition attendue et qui a pris tout le monde de court.

PHOTO FOURNIE PAR DUPUIS

Marc Delafontaine, qui a connu un succès fulgurant avec la série Les Nombrils, mené avec Maryse Dubuc, pilotera le retour de Gaston Lagaffe,

D’abord, ç’a été un choc de voir revivre une chose qu’on ne pensait voir revivre et il y a eu un plébiscite énorme de la part des professionnels – les auteurs de BD – et des lecteurs. Tout le monde a trouvé génial de pouvoir reprendre Franquin avec un tel talent d’imitation.

Stéphane Beaujean, directeur éditorial aux Éditions Dupuis

Delaf, en somme, a fait sa chance. L’idée, vague jusque-là, de ressusciter Gaston a pris forme. « Toucher à Franquin, c’était un peu sacré, juge Stéphane Beaujean. C’est toujours risqué de reprendre un personnage, mais il faut le faire. Le risque, c’est surtout pour les Bruxellois qui risquent de ne pas forcément reconnaître Bruxelles puisque [Gaston] est un personnage très ancré dans l’urbanisme bruxellois, mais je pense si on n’est pas bruxellois, on aura du mal à faire la différence entre le Gaston de Franquin et celui de Delaf. »

PLANCHE FOURNIE PAR DUPUIS

L’univers ne sera pas actualisé au sens propre. Le Gaston de Delaf évoluera lui aussi dans un bureau des années 1970.

« On le laisse dans son âge d’or, ce qui n’empêche pas de parler du monde d’aujourd’hui », estime le directeur éditorial de Dupuis. Delaf, qui est aussi au scénario, joue semble-t-il du décalage avec le monde d’aujourd’hui. Stéphane Beaujean parle notamment d’un gag où le téléphone portable est évoqué par un appareil en bakélite muni d’un long câble rétractable « qui vous revient dans la gueule quand vous tirez trop fort dessus ». « D’un seul coup, l’écart avec la modernité devient un sujet pour la licence poétique et même comique », ajoute-t-il.

La résurrection de Gaston Lagaffe survient à l’approche du 100e anniversaire de naissance d’André Franquin, né en janvier 1924 et mort en 1997. Icône de la BD franco-belge, il a aussi tenu la série Spirou et Fantasio pour laquelle il a imaginé le Marsupilami, animal fantastique au pelage jaune et noir doté d’une force herculéenne, qui s’exprime en onomatopées – sa plus célèbre étant « houba houba ».

Delaf a fait sa marque dans l’univers de la bande dessinée francophone avec Les Nombrils, série scénarisée par Maryse Dubuc qui met en vedette trois copines – deux chipies et leur souffre-douleur – et est publiée depuis 2006 chez Dupuis. Le trio est né dans les pages du magazine Safarir en 2004 avant d’être recruté pour Spirou. Delaf et Dubuc, qui formaient un couple, se sont séparés en 2021 et le destin des Nombrils demeure incertain à ce jour.

« Le monde des Nombrils n’est pas mis au placard du tout », assure toutefois Stéphane Beaujean, qui ne peut confirmer quand la série reviendra ni qui sera aux commandes d’un éventuel prochain album. Les Nombrils est un « best-seller », rappelle l’éditeur, en citant les tirages de 200 000 à 300 000 exemplaires et des ventes de 2,5 millions d’albums. Le Gaston de Delaf, lui, bénéficiera d’un lancement encore plus imposant : il sera imprimé et distribué à 1,2 million d’exemplaires. Le genre de chiffre qui le placera au sommet de la BD francophone auprès d’une autre icône, Astérix.

COUVERTURE FOURNIE PAR DUPUIS