Premier recueil prometteur d’Alizée Goulet, Ennuagée confronte la brume entourant les troubles alimentaires, « cette manière d’exister noyée ». Les poèmes en prose installent un récit d’apprentissage qui n’a cependant rien d’une complainte lancinante ou même d’un apitoiement au quotidien.

La poète réussit son défi en arrimant sa démarche sur la compréhension d’un sentiment transcendant le mal-être. C’est du plus vieux métier poétique du monde qu’elle nous parle. Aimer, s’aimer, recevoir et donner. Elle n’est donc pas seule dans son périlleux périple. Il y a le ou la thérapeute, l’amoureux ou l’amoureuse. La peur n’a pas de genre, l’amour encore moins.

Alizée Goulet ne nie pas pour autant le « trou en famine de vivre », la fente du ventre « au centre de la terreur », les ecchymoses et autres douleurs… Sa narratrice avouera d’ailleurs : « [j’ai] miné ma peau sans voir le vide que j’engendrais ».

Il y est beaucoup question du corps, de la chair et des os comme chez d’autres autrices qui ont, dans le passé, abordé ce sujet difficile, éminemment personnel. Heureusement, cette physicalité existe dans un monde où le concret n’efface pas le poétique : l’océan qui est l’extrémité d’un cri, le vent qui s’intéresse aux cheveux, ce sapin qu’on voudrait être.

À l’affût des sensations, la poète reste connectée aux objets et aux autres. Notamment, la lecture et l’écriture la portent et la transforment. « Je veux, juste ici, que mes os répondent au langage. »

Voilà un fort beau credo poétique !

Ennuagée

Ennuagée

Triptyque

114 pages

7/10