(Paris) L’écrivain René de Obaldia, l’un des auteurs français de théâtre contemporains les plus joués au monde, est mort à l’âge de 103 ans, a annoncé jeudi à l’AFP l’Académie française, dont il était membre depuis 1999.

« Le Secrétaire perpétuel et les membres de l’Académie française ont la tristesse de faire part de la disparition de leur confrère, M. René de Obaldia, décédé le 27 janvier à Paris », a écrit l’institution sur son site internet.

Les circonstances du décès ne sont pas connues.

Né en 1918 à Hong Kong, il était poète et dramaturge, et avait publié peu avant d’atteindre ses 100 ans Perles de vie (éditions Grasset), où il relevait le proverbe : « Pour devenir centenaire, il faut commencer jeune ».

Fils d’une Française et d’un Panaméen, diplomate dans la cité chinoise sous contrôle britannique, il n’a pas connu son père, que sa mère a rapidement quitté après sa naissance pour rentrer en France.

Il a grandi à Amiens, dans la région de sa mère, puis à Paris, où il a très tôt démontré ses aptitudes littéraires.

Prisonnier pendant la Seconde Guerre mondiale, interné pendant quatre ans dans un camp en Silésie dont il sera rapatrié comme grand malade, il devient ensuite un écrivain touche-à-tout, d’un humour mordant, cultivant le détachement. Son œuvre loufoque, inclassable, traduit le ridicule et le sentiment tragique de la vie.

Lors de son discours de réception à l’Académie en 2000, il s’avouait « souvent en porte-à-faux avec la réalité ; une réalité pour laquelle, je vous l’avoue, je nourris une forte suspicion ».

En se surnommant « Monsieur le Comte » dans certains de ses écrits, il assumait avec ironie une lignée latino-américaine prestigieuse, même s’il n’a eu aucun contact avec ce côté de sa famille.

« Ce côté dérisoire »

« J’ai toujours eu en moi ce côté dérisoire, qui m’a permis de mettre certaines choses à distance », déclarait-il à L’Express en 2009.

En 1959 par exemple, il publie Le centenaire, long monologue romanesque d’un vieillard (même pas centenaire) qui ressasse une multitude de souvenirs.

Mais c’est avec son théâtre que cet homme robuste au front dégarni, séducteur, roublard, insaisissable, connaît le succès. Il fut l’un des grands dramaturges des années 1960 et 1970 et participe alors, avec Beckett et Ionesco, au renouveau du théâtre français porté par le Théâtre national populaire (TNP). Son œuvre lui a valu une renommée mondiale, avec des pièces comme Du vent dans les branches de sassafras, Monsieur Klebs et Rozalie ou La rue Obaldia.

Politiquement, il s’engagea en 1978 contre le bloc communiste lors de la création du Comité des intellectuels pour l’Europe des libertés, aux côtés d’autres écrivains, d’artistes et d’intellectuels, derrière le philosophe Raymond Aron. Mais il restait discret sur ses opinions.

Dans son introduction à Perles de vie, il se félicitait d’une « existence riche en métamorphoses : poèmes, romans, théâtre, mémoires ».

Il avait alors fait une apparition télévisée à l’émission La Grande Librairie, toujours l’esprit vif. Avec le grand âge, plaisantait-il, « on peut faire des conneries, et on nous excuse tout parce qu’on dit : il est complètement gâteux ».

La mort de René de Obaldia laisse vacants six des 40 sièges à l’Académie française. L’un d’eux doit être pourvu lors d’une élection prévue le 17 février.

L’Académie, qui a élu en son sein en novembre Mario Vargas Llosa, 85 ans, alors que cet écrivain péruviano-espagnol avait dépassé de dix ans l’âge limite, éprouve des difficultés notoires à attribuer ces sièges, faute de candidatures de valeur.