Selon les données de la Banque de titres de langue française (BTLF), les ventes de livres québécois ont fait un bond de 18,3 % entre 2020 et 2021, la preuve que la déferlante d’amour du Québec pour sa littérature, que l’on observe depuis le début de la pandémie, ne saurait être ralentie par aucune nouvelle vague. Voici 10 titres qui, sur papier, ont tout ce qu’il faut pour nourrir cet amour.

Le jeu de l’oiseau, de Sylvie Drapeau

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Le jeu de l’oiseau, de Sylvie Drapeau

Avec quatre romans au compteur (sa tétralogie Fleuve, qu’elle a amorcée en 2015 et conclue en 2019), Sylvie Drapeau n’est désormais plus une « comédienne-qui-écrit », mais une écrivaine à part entière (écrivaine qui se trouve aussi, par ailleurs, à être une de nos plus formidables comédiennes). Avec cette langue qui sait dire poétiquement ce que les liens unissant une famille ont d’inextricable et de parfois douloureux, elle continue dans ce cinquième livre d’ausculter les lignes de force et de fractures d’un clan, plus précisément d’un couple de jumeaux, celui de Claire et Raymond, les oiseaux du titre. Une « ode à l’instinct de survie » et « à la force de l’amour maternel », promet-on.

Leméac, 120 pages, 26 janvier

Impromptu, de Catherine Mavrikakis

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Impromptu, de Catherine Mavrikakis

Il s’agit d’un petit livre, mais pas d’une petite œuvre. En à peine 72 pages, Catherine Mavrikakis (Le ciel de Bay City, L’absente de tous bouquets) dépeint, avec cet alliage de tendresse et de sarcasme dont elle connaît le parfait dosage, le petit milieu universitaire montréalais des années 1980, alors qu’une certaine idée de ce qu’elle appelle « la grande culture européenne » pèse encore comme une chape de plomb sur la vie intellectuelle québécoise. Elle décrit aussi avec précision toute la complexité d’une relation, aussi noble qu’absurde, entre une élève et son maître, l’inénarrable Karlheinz Mueller-Stahl, dont les extravagances vous rappelleront peut-être celles de certains de vos vieux profs.

Héliotrope, 72 pages, 2 février

Le cigare au bord des lèvres, d’Akim Gagnon

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Le cigare au bord des lèvres, d’Akim Gagnon

C’est plus fort que nous : les écrivailleurs du dimanche et autres perdants magnifiques de l’aventure littéraire, on les aime. Bouteille de vin, cigare, peine d’amour ? « Un vrai cliché », ironise le communiqué accompagnant ce premier roman d’Akim Gagnon. Les pages inaugurales de cette « autobiographie arrosée d’un parfait inconnu » révèlent néanmoins une langue sans pareil, ainsi qu’un univers rappelant La conjuration des imbéciles. Rien d’étonnant pour qui connaît la patte de réalisateur de vidéoclips de celui qui a mis son imaginaire grotesque et merveilleux, quelque part entre André Forcier et Harmony Korine, au service d’Antoine Corriveau, Émile Bilodeau et Klô Pelgag. On s’en reparle bientôt.

La Mèche, 344 pages, 16 février

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Les acrobaties domestiques, de Geneviève Drolet

Les acrobaties domestiques, de Geneviève Drolet

Avec Sexe chronique (2011), son premier roman, Geneviève Drolet témoignait de l’intensité animant les artistes de cirque, sous le chapiteau comme sous les draps (ou partout autour). Quatre livres plus tard, l’équilibriste de métier se mesure à une autre forme d’intensité, celle de la parentalité, dans Les acrobaties domestiques – un titre dans lequel se reconnaîtront assurément tous ceux et celles qui viennent de survivre à une semaine d’école à la maison. L’écrivaine y ausculte les impacts de l’arrivée des enfants sur le corps, la carrière et le couple, au cœur d’« une société habile à se donner bonne conscience en matière de soutien aux familles ». Ça vous dit quelque chose ?

XYZ, 216 pages, 16 février

Novice, de Stéphane Dompierre

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Novice, de Stéphane Dompierre

Sauriez-vous passer une journée sans réseaux sociaux, sans moteur de recherche et sans tablette sur laquelle lire votre quotidien préféré ? C’est à ce supplice que le cruel Stéphane Dompierre soumet 11 personnages accros à la technologie, en les envoyant se détoxifier le coco dans un camp de débranchement d’une semaine. L’auteur d’Un petit pas pour l’homme « détourne les codes du cinéma d’horreur », précise le communiqué que nous consultons actuellement sur notre téléphone intelligent, mais fait aussi la part belle à la satire dans ce 12roman, son premier depuis… 2015 ! Devrait-on en conclure que l’écrivain gaspille lui aussi trop de temps sur le web ?

Québec Amérique, 296 pages, 1er mars

Les ombres blanches, de Dominique Fortier

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Les ombres blanches, de Dominique Fortier

En remportant en novembre 2020 un prix Renaudot pour Les villes de papier, Dominique Fortier gagnait des dizaines et des dizaines de nouveaux lecteurs, mais continuait aussi de propager cette sombre bonne nouvelle que représente l’œuvre d’Emily Dickinson (1830-1886). Elle se joignait ainsi à une longue lignée d’amis de la littérature ayant fait rayonner par-delà les frontières l’héritage de la poète américaine – rappelons que seule une douzaine de textes de Dickinson avaient été publiés de son vivant. C’est donc en toute logique que Les ombres blanches s’intéressent moins cette fois-ci à la vie de la poète elle-même qu’à l’abnégation de celles et ceux qui lui ont survécu et qui ont permis à son travail de connaître la lumière du jour.

Alto, 248 pages, 15 mars

Gens du Nord, de Perrine Leblanc

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Gens du Nord, de Perrine Leblanc

Voilà sans doute l’évènement littéraire le plus attendu de la rentrée québécoise que ce retour de Perrine Leblanc avec un troisième roman, Gens du Nord. L’écrivaine révélée en 2010 par L’homme blanc raconte, entre Paris, Montréal, Belfast et Dingle, la rencontre entre un journaliste français qui « se lie sur le terrain avec des hommes qui renseignent l’État et des gens qui militent pour la décolonisation en Irlande du Nord » et une jeune journaliste québécoise, partie sur les traces de l’écrivain (fictif) Samuel Gallagher, lui qui « nageait dans les eaux troubles de l’IRA avant d’être exécuté par un groupe paramilitaire ». Intrigant.

Gallimard, 192 pages, 16 mars

Enlève la nuit, de Monique Proulx

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Enlève la nuit, de Monique Proulx

Il existe peu de joie aussi grande que celle de renouer avec une écrivaine aussi rare que Monique Proulx, elle qui, au rythme d’un livre tous les six ou sept ans, aura inculqué à ses lecteurs fidèles les vertus de la patience. Vous vous souvenez du personnage de Marcus, ce jeune juif hassidique qui fuyait sa communauté dans Ce qu’il reste de moi, roman choral au cœur duquel resplendissait Montréal dans toutes ses couleurs ? L’autrice célébrée du Sexe des étoiles et des Aurores montréales poursuit son exploration fascinée des revers d’une métropole plurielle avec Enlève la nuit, en s’imaginant l’amitié étonnante liant le Marcus en question à un Inuit sans-abri.

Boréal, 352 pages, 22 mars

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Une femme extraordinaire, de Catherine Ethier

Une femme extraordinaire, de Catherine Ethier

Le titre aurait parfaitement pu seoir à son autobiographie, mais c’est bel et bien son premier roman que Catherine Ethier a choisi de coiffer des mots Une femme extraordinaire. La chroniqueuse au vocabulaire plus riche que Jeff Bezos évoque depuis quelques années déjà, en entrevue, le chantier d’un premier livre, un projet qui ne pourrait davantage tenir de l’évidence, tant son style est aussi rapidement reconnaissable que la voix de Ginette Reno surgissant parmi les voix fluettes d’un chœur d’église de campagne. Ça raconte l’histoire d’une trentenaire « qui en apparence a tout pour elle, mais qui [dans les] coulisses se désintègre tranquillement ». Vous dire notre enthousiasme.

Stanké, 200 pages, 23 mars

Sur la route avec Bashō, Dany Laferrière

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Sur la route avec Bashō, Dany Laferrière

Je suis un écrivain japonais, annonçait Dany Laferrière en 2008 dans un roman dont le narrateur proclamait son ambition d’un jour publier un livre empruntant la manière des maîtres japonais. Le titulaire du fauteuil numéro deux de l’Académie française tient parole dans Sur la route avec Bashō, roman illustré épousant la méthode du moine-poète du XVIIsiècle, grand ténor du haïku, celui qui a un jour écrit : « De temps en temps/Les nuages nous reposent/De tant regarder la lune. » Dans ces rêveries d’un globe-trotteur solitaire, un écrivain pose son regard sur un « monde sans pitié ». « Heureusement, il y a la littérature, le jazz, les femmes élégantes, les cafés et les fleurs. » En effet.

Boréal, 384 pages, 29 mars