Il est toujours étrange de lire le premier roman jamais publié d’un auteur à succès. Le serpent majuscule de Pierre Lemaitre ne fait pas exception à la règle. C’est connu, l’auteur célébré de la trilogie Les enfants du désastre, qui comporte entre autres le Prix Goncourt 2013 Au revoir là-haut, a commencé sa carrière en 2006 en écrivant des polars. Mais il avait, semble-t-il, « commis » un premier livre du genre bien avant, en 1985, manuscrit jamais présenté à un éditeur et qui était resté dans ses tiroirs pendant tout ce temps.

C’est donc avec curiosité qu’on ouvre Le serpent majuscule, roman noir qui met en scène Mathilde, tueuse à gages insoupçonnable vu son âge et son gabarit. Mais son cerveau qui commence à en perdre des bouts et son caractère soupe au lait la rendent de plus en plus incontrôlable… et dérangeante.

C’est alors à tout un jeu de massacre qu’on assiste, qui va en s’accélérant – Le serpent majuscule est un véritable roman noir, qui ne fait pas de quartier. Mathilde tue sans discernement et sans états d’âme, et on avoue que vient un moment où on a bien envie qu’elle se fasse prendre.

Mais la dame est aussi maligne que chanceuse, et ce n’est évidemment pas ce qui se passe. Pierre Lemaitre semble s’être délecté d’autant de descriptions macabres (Mathilde aime les armes de très gros calibre), mais le tout raconté déjà avec ce ton ironique et un peu détaché et ce sens des images improbables qui frappent l’esprit.

Bien sûr, il y a un petit côté vintage à la chose – pas de cellulaire ou de GPS pour trouver individus et véhicules, et la protagoniste est une ancienne Résistante, ce qui serait impossible aujourd’hui. Pourtant, Le serpent majuscule n’est pas tellement daté, moins par exemple que lorsqu’on relit les vieux Wallender, qui reflètent davantage les enjeux sociaux de leur époque.

Cela dit, même si la finale est vraiment punchée, le roman s’étire et la cavale finale n’en finit plus. Mais bien sûr qu’on ne crache pas sur un roman de Pierre Lemaitre, dont l’écriture s’est certainement raffinée avec les années, mais qui en possédait déjà tous les atouts. Pas un indispensable à avoir dans sa bibliothèque, mais un petit plaisir d’été, si on aime les chiens décapités, les innocents tirés à bout portant et les tueuses de mauvaise foi.

Le serpent majuscule

Le serpent majuscule

Albin Michel

336 pages

6/10