Première personne de couleur à occuper la vice-présidence américaine, Kamala Harris aimerait bien devenir la première femme présidente des États-Unis, d’où la publication de ce livre qui est un passage obligé pour tout candidat à la présidence qui se respecte. Cette autobiographie ne révolutionne pas le genre, mais elle nous aide à comprendre un peu mieux d’où vient Mme Harris. Explications.

Son nom

D’abord, précisons que ce livre ne parle pas de la vice-présidence toute neuve de Kamala Harris, car il a été publié en 2019 dans sa version originale, soit avant l’élection de Joe Biden. Ensuite, entendons-nous sur la prononciation de son prénom. On entend souvent dire « KA-ma-la », or, le « a » se prononce comme un « o » ouvert. Dans son livre, Mme Harris l’explique ainsi : « Mon nom se prononce « comma-la », comme le signe de ponctuation (la virgule). Elle explique aussi que Kamala signifie « fleur de lotus », un symbole important dans la culture indienne. La racine du lotus pousse sous l’eau, sa fleur s’élève à la surface et ses racines sont plantées solidement dans le sol, sous l’eau.

L’influence de sa mère

Kamala Harris est la fille d’un économiste jamaïcain et d’une biologiste et oncologue indienne. Les deux étudiants se sont rencontrés à l’Université de Californie à Berkeley, où ils étaient venus faire un doctorat. Ils ont eu deux enfants (leur deuxième fille se nomme Maya) et ont divorcé lorsque l’aînée avait 7 ans. Bien qu’elles aient conservé un lien avec leur père, chez qui elles passaient leurs week-ends et leurs étés, Kamala et sa sœur ont été élevées par leur mère. Shyamala Gopalan était une femme forte, indépendante et déterminée qui travaillait fort, qui s’impliquait socialement et qui avait de grandes attentes à l’endroit de ses deux filles. Elle a été un modèle pour Kamala Harris. Ayant succombé en 2009 à un cancer du côlon, elle n’a malheureusement pas été témoin de l’élection de sa fille au Sénat. Chercheuse en oncologie, plus précisément dans le domaine du cancer du sein, elle a élevé ses deux filles comme des femmes noires avec les outils nécessaires pour faire face aux obstacles qui les attendaient. Mais l’identité est une question complexe et aujourd’hui, aux États-Unis, des membres de la communauté sud-asiatique aimeraient bien que Kamala Harris revendique davantage ses origines maternelles.

PHOTO ROBERTO SCHMIDT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Kamala Harris après l’annonce de la victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle, en novembre 2020, à Wilmington, au Delaware

Sa carrière

Kamala Harris a étudié en droit et a échoué à sa première tentative à l’examen du Barreau, ce qui ne l’a pas empêchée de mener une belle carrière dans le milieu de la justice de la Californie, jusqu’à occuper le prestigieux poste d’« attorney general », qui est l’équivalent de notre ministre de la Justice. Elle se décrit comme une avocate progressiste qui a voulu donner une voix à ceux et celles qui n’en avaient pas. À ceux qui lui reprochent le nombre élevé d’incarcérations au sein de la communauté noire sous sa gouverne, elle rappelle les nombreux programmes qu’elle a mis sur pied afin de faire diminuer la criminalité au sein de ces mêmes communautés.

En 2016, elle remportait un siège au Sénat, devenant ainsi la deuxième femme de couleur et la première Américaine aux origines sud-asiatiques à ce poste. Parmi ses chevaux de bataille durant ses quatre années en poste : la décriminalisation du cannabis, la réforme des soins de santé, le soutien aux sans-papiers qui souhaitent obtenir leur citoyenneté américaine. On se souvient aussi de ses excellentes questions à Brett Kavanaugh en vue de sa nomination comme juge à la Cour suprême… Parlant des droits reproductifs des femmes, la sénatrice lui avait demandé s’il pouvait nommer une seule loi qui avait un impact sur le corps des hommes, un échange qui est devenu viral sur les réseaux sociaux.

Convictions et valeurs

Kamala Harris et sa sœur ont passé une partie de leur enfance dans la communauté de Berkeley, en banlieue de San Francisco, auprès de parents engagés, entourées d’adultes militant pour les droits civiques. La mère de Kamala lui a appris jeune à défendre ses droits, mais surtout ceux de toute la communauté. La vice-présidente raconte qu’à Montréal, elle a milité pour que les enfants aient le droit de jouer sur la pelouse de l’édifice qu’elle habitait. Sa mère, elle-même élevée par des parents politiquement éveillés, leur répétait, à sa sœur et à elle : sois la première à faire quelque chose, mais ne sois pas la dernière…

Et Montréal ?

L’an dernier, on a tiré orgueil du fait que la nouvelle vice-présidente des États-Unis avait vécu quelques années à Montréal. Mais dans les faits, ce passage dans notre métropole ne semble pas être un très bon souvenir pour Kamala Harris. Vous ne trouverez aucune anecdote attendrie ou rigolote rattachée à son expérience québécoise. Mme Harris y consacre seulement deux pages dans lesquelles elle affirme que sa mère s’est peut-être vu offrir une « opportunité unique » d’enseigner à l’Université McGill, mais que c’était loin d’être une occasion unique pour elle. L’idée de quitter la Californie ensoleillée au beau milieu de février pour une ville du Nord où les gens parlent français était pour le moins « pénible », écrit-elle. La situation s’est aggravée lorsque sa mère a décidé que Kamala et sa sœur allaient apprendre le français, car elle les avait inscrites à l’école Notre-Dame-des-Neiges. « J’avais l’impression d’être un canard », écrit-elle, racontant qu’elle passait ses journées à répéter « Quoi ? Quoi ? Quoi ? » Elle a ensuite convaincu sa mère de l’inscrire à l’école FACE. Elle conclut ce bref passage en précisant que même si elle s’était ajustée à l’école secondaire (elle a fréquenté la Westmount High School), elle s’ennuyait toujours autant de ses amis et de sa famille, et que le sentiment de vouloir retourner à la maison ne l’a jamais quittée. Elle est retournée aux États-Unis pour poursuivre ses études collégiales. Il faudra donc la réinviter. L’été de préférence…

Nos vérités – Mon rêve américain

Nos vérités – Mon rêve américain

Robert Laffont

352 pages