Il s’est proclamé « hyperactif de l’écriture ». Et ça ne pourrait pas être plus vrai. Samuel Larochelle, journaliste, auteur, animateur et maintenant poète, publie ces jours-ci, coup sur coup, trois livres en trois mois, de trois genres littéraires, pour trois types de public, de trois maisons d’édition. Vous suivez toujours ? Accrochez-vous. Entretien avec un homme aux mille projets.

Rencontré la semaine dernière par un bel après-midi ensoleillé, Samuel Larochelle, collaborateur à La Presse, dont vous avez peut-être remarqué la plume dans une bonne vingtaine d’autres publications éclatées (de Nightlife aux Débrouillards, en passant par Fugues), n’est pas peu fier. Et il y a de quoi.

L’homme au look par ailleurs nonchalant, qui carbure à l’écriture (trouvez l’erreur), est sur une sacrée lancée : après un roman jeunesse (et poétique) en mars (Combattre la nuit une étoile à la fois, éditions Héritage) et un récit poétique pour adultes ces jours-ci (J’ai échappé mon cœur dans ta bouche, chez Stanké, en librairie le 21 avril), il sort en prime les mémoires du politicien François Gendron le mois prochain (Druide, le 5 mai). Sans parler de ses mille et un autres projets (nous y viendrons).

Et ce rythme de fou n’est pas nouveau. Dans les dernières années, Samuel Larochelle a pondu une série jeunesse (Lilie, en trois tomes) et publié divers romans. Une machine, vous dites ? « Oui », dit-il sans détour en riant et en rajustant ses lunettes de soleil. « Depuis le moment où j’ai commencé à écrire, quelque chose s’est déclenché. »

Il n’était pourtant pas un élève modèle à l’école. N’empêche, dès le cégep, il l’a constaté : « Je finissais mes travaux deux à trois fois plus vite que les autres… » Tiens, tiens… À 23 ans, il écrit son premier roman (après quatre ans de travail d’édition). Le deuxième lui prend 18 mois, le troisième, 6, et les deux suivants, 5…

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Samuel Larochelle, journaliste et auteur

Écrire, c’est un besoin, c’est ce qui me permet de me centrer, de rester en équilibre, de sortir le trop-plein de ma tête.

Samuel Larochelle, journaliste et auteur

« C’est un muscle, poursuit-il. Un muscle d’écriture, un muscle de création. Plus tu écris, plus tu es capable d’écrire. Plus tu arrêtes, plus tu mets du sable dans l’engrenage. Plus j’écris d’articles, de romans, de poésie, plus il y en a qui veulent sortir. »

Vous l’aurez constaté : l’homme a en prime le sens de la formule, à l’oral comme à l’écrit. Un discours imagé, coloré, toujours parlant. Limite poétique, par moments.

Parlant de poésie, après plusieurs œuvres de fiction (et l’art de se « connecter à des émotions qui ne [lui] appartiennent pas »), Samuel Larochelle ose et plonge tête première en s’attaquant à ses émotions à lui. Deux fois plutôt qu’une : avec deux ouvrages poétiques destinés à des publics bien distincts.

« Fuck les codes ! »

Ce saut dans l’univers poétique et intime, de surcroît, peut sembler audacieux (vertigineux ?), mais il s’est pourtant fait naturellement. Non sans quelques accrocs. « Au départ, c’était n’importe quoi. J’avais l’impression d’être un enfant de 6 ans qui faisait des rimes et qui essayait d’être profond. Et puis, dans un échange romantico-poétique avec une date par texto, c’est tout sorti : des images fortes, des trucs originaux, et, là, je me suis dit : fuck les codes de la poésie. Je vais écrire comme ça vient. Et là, j’ai vu des formes émerger… »

Son bagage de musicien aidant (il chante depuis 15 ans), ses phrases ont ici un rythme, une « musicalité » fluide et accrocheuse à la fois. « J’avais envie d’être moi, et là, c’est la première fois que je parle de moi. […] Pas pour me donner en spectacle, précise-t-il. Mais pour arrêter de me retenir… »

La première fois, en fait, c’était le mois dernier, avec ce livre jeunesse inclassable : Combattre la nuit une étoile à la fois, publié dans une nouvelle collection (Unik, à qui l’on doit déjà Comme un ouragan, signé Jonathan Bécotte). Classé « roman », il s’agit plutôt d’un long poème sur l’enfance et l’adolescence, ses peurs, ses défis, bien à lui. Pensez relations fraternelles toxiques, rivalités et autres coups inclus. Le tout narré avec style et douceur, images et beaucoup de seconds degrés (« mon défi n’était pas de réussir une addition, mais de soustraire la peur de ma vie »).

Un « roman » au traitement visuel unique, les mots dansant sur les pages grâce à différents procédés stylistiques, des polices fantaisistes et d’autres caractères tantôt ombrés, tantôt mis en relief. « À coups de très courts textes, cela donne un flow poétique très accessible », se félicite l’auteur-poète, pour qui l’accessibilité est ici clé.

Samuel Larochelle récidive prochainement avec un récit poétique pour un public averti cette fois, J’ai échappé mon cœur dans ta bouche, collection de courts textes dans lesquels il frappe sur tous les sujets de l’heure qui l’habitent.

J’avais besoin de parler de recherche amoureuse, de sexe, de consentement, de couple, de mon rapport au corps, pas le plus sain…

Samuel Larochelle, journaliste et auteur

Il revient ici à nouveau sur ses fameuses « cicatrices familiales » et aborde tous ces thèmes variés et intimes sur un ton souvent cru (« bitch »), de manière authentique, humoristique, d’une lucidité désarmante. Un exemple : « Réinventons le romantisme », écrit-il. Puis, plus tard : « Je pense que je suis plus talentueux pour écrire l’amour que le vivre. » Pour finalement constater : « Ma solitude est un baume sur la cicatrice de notre inadéquation. » Ça vous rappelle des peines d’amour ? Nous aussi.

Après la poésie, Samuel Larochelle s’attaquera aux biographies, avec les mémoires du politicien François Gendron le mois prochain, puis celles de Bruno Pelletier (à moyen terme). À plus long terme, il ne manque pas de projets : « J’ai l’ambition d’être un jour à l’aise avec les romans, la poésie, le théâtre, les séries télé, la chanson », alouette ! éclate-t-il de rire. Je veux tout essayer ! »

En nous quittant, Samuel Larochelle s’en allait d’ailleurs déposer une demande de subvention pour une série télé (ou était-ce un documentaire, une émission balado ? On a perdu le fil tellement il y en avait !). Il planche en outre sur un nouveau roman, en plus de lancer tout prochainement un cabaret littéraire. « Hyperactif, ça correspond pas mal à mon énergie folle et mon rythme de publication », confirme-t-il. Et si vous voulez tout savoir, oui, il dort. « Plus que les gens le pensent ! »

Cabaret littéraire LGBTQ+

Après avoir éprouvé la formule en Abitibi-Témiscamingue (sa région natale), Samuel Larochelle lance à Montréal Accents queer, un cabaret littéraire pour et par la communauté LGBTQ+. La première édition est prévue le 8 mai, à la maison de la culture Janine-Sutto, dans une formule qui s’annonce hybride, pour les raisons sanitaires que l’on sait (devant un public restreint ainsi que diffusée sur le web). Au programme : Simon Boulerice, Gabrielle Boulianne-Tremblay, Laura Doyle Péan, Dimani Mathieu Cassendo, Isabelle Saint-Pierre et lui-même, pour un spectacle qui promet d’être diversifié, dans tous les sens possibles du terme. Restez à l’affût pour plus d’informations.

IMAGE TIRÉE DU SITE WEB DES LIBRAIRES

J’ai échappé ton cœur dans ma bouche, de Samuel Larochelle, sera en librairie le 21 avril.

J’ai échappé ton cœur dans ma bouche
Samuel Larochelle
Stanké
192 pages
En librairie le 21 avril

IMAGE TIRÉE DU SITE WEB DES LIBRAIRES

Combattre la nuit une étoile à la fois, de Samuel Larochelle, éditions Héritage

Combattre la nuit une étoile à la fois
Samuel Larochelle
Héritage (collection Unik)
120 pages