Ça se passe au nord du 58e parallèle. Au pays d’Annie Muktuk, mais aussi d’Elipsee, de Husky et de ses trois épouses, Tetuk, Alaq et Keenaq. Un pays aride où les prénoms ne sont jamais correctement prononcés, quand ils ne sont pas carrément modifiés. Un monde où les femmes sont des « sauvagesses », habité par ses traditions, écorché vif par la colonisation.

Rare incursion dans l’univers inuit, Annie Muktuk et autres histoires propose une série de récits et légendes, à la fois drôles et violents, divertissants et dérangeants, mettant en scène des personnages colorés archi-attachants, tantôt naïfs, tantôt porteurs d’une sagesse supérieure. C’est ainsi qu’il est question d’ivresse et d’amour, de vieillesse et de mort, de sexe et de violence, et encore et toujours d’amour (charnel, fraternel, amical). Le dernier récit, sur le déracinement et l’éducation des enfants, ne vous laissera pas indifférent. C’est dur, sachez-le. Et ça sonne surtout tristement vrai.

Cela dit, et même s’il est beaucoup question du rapport à l’autre (le Blanc), rien n’est non plus manichéen dans le texte, qui se lit par moments comme de la poésie. Au contraire, l’ouvrage se termine même sur une puissante note d’humanité qui, elle aussi, sonne très vrai. L’autrice inuite, qui termine ces jours-ci un doctorat en Études autochtones à l’Université de l’Alberta, l’a confirmé en entrevue avec la CBC : le récit est ici « à 95,5 % véridique ».

Impossible de passer sous silence la très habile traduction vers le français, signée Daniel Grenier, qui s’est fait un devoir de respecter l’essence du texte de l’autrice, à la virgule et au sacre près. Un mot, enfin, sur le choix de la couverture, une image signée Annie Pootoogook, artiste inuite assassinée en 2016.

PHOTO FOURNIE PAR LA MAISON D’ÉDITION

Annie Muktuk, de Norma Dunning

Norma Dunning
Annie Muktuk
Traduit de l’anglais par Daniel Grenier
Mémoire d’encrier
196 pages
★★★