Aucun défi ne semble trop grand pour le bédéiste Jean-Sébastien Bérubé. Après avoir raconté la quête spirituelle plus ou moins concluante qui l’a mené au cœur de l’Himalaya dans Comment je ne suis pas devenu moine, le voilà qui affronte ses démons dans Vers la tempête, la suite de son récit autobiographique, qui vient de paraître ici et en France chez Futuropolis. Entretien avec un auteur qui a eu bien peur de « mal virer »…

Après avoir cherché en vain au Népal et au Tibet un éveil spirituel dans le bouddhisme, Jean-Sébastien Bérubé est rentré chez lui, à Rimouski, en 2007, où il a renoué avec le karaté… et sa famille. Et où il a surtout poursuivi le cheminement entrepris à l’autre bout du monde, comprend-on au fil des 200 et quelques pages de Vers la tempête, touchant récit personnel.

« Dans Comment je ne suis pas devenu moine, j’étais dans mon fantasme, à travers une idéalisation du peuple tibétain, explique le bédéiste en entrevue téléphonique. Là-bas, je fuyais la réalité, je fuyais la confrontation. Tout ce que je fuyais, en fait, on le voit dans Vers la tempête. »

Ce qui attend Jean-Sébastien Bérubé à son retour au pays n’a rien de réjouissant : une famille contrôlante, où les marques d’affection se font rares, et les conflits, incessants. Les humiliations de son enfance, dont celles liées à son bégaiement, le rattrapent aussi…

Quand j’ai décidé de faire de la bédé autobiographique, pour moi, c’était important d’être honnête. Et ça implique de montrer des affaires qui ne sont pas nécessairement faciles à montrer. Ça fait partie de mon cheminement.

Jean-Sébastien Bérubé

Certains de ses proches ne sont plus là pour tenir l’album entre leurs mains, ce qui soulage un peu son auteur. « Même si elle a donné son autorisation pour que je parle de son histoire, ma mère n’a pas encore lu le livre, ajoute-t-il. Elle attend d’être prête. »

  • Extrait de Vers la tempête

    IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS FUTUROPOLIS

    Extrait de Vers la tempête

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    Extrait de Vers la tempête

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    Extrait de Vers la tempête

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Au milieu des interactions difficiles avec sa famille, on accompagne le protagoniste dans le début de la production de sa série de bande dessinée historique Radisson et, surtout, dans son projet pour obtenir une ceinture noire de karaté. Le temps presse, car son maître est mourant. Un évènement imprévu viendra aussi tout remettre en question.

Le dessin en noir et blanc parfois très dynamique de Jean-Sébastien Bérubé montre bien toute la violence du karaté kyokushin, style qui mise sur les combats à mains nues. Cette violence finit d’ailleurs par déborder du sport : l’auteur admet dans une scène « avoir des envies de voies de fait » à l’égard du petit ami de sa colocataire, avec laquelle il espère un rapprochement. « J’ai toujours eu peur de ma propre violence, de perdre le contrôle, de faire des choses que je regretterais », raconte-t-il.

Avec cet album, le bédéiste souhaitait surtout mettre l’accent sur la nécessité du travail sur soi, quand on fait face à des enjeux relationnels ou psychologiques, « pour ne pas mal virer ». « Je voulais montrer l’importance d’aller chercher de l’aide quand on vit ça », dit-il.

Pour Jean-Sébastien Bérubé, cette aide est venue d’une psychothérapeute qui l’a notamment convaincu de résister à la fuite, avec un énième voyage, pour affronter ses émotions. « Elle dit dans l’album : “Il ne faut pas avoir peur du conflit, c’est une occasion d’évoluer.” Je n’avais jamais vu ça comme ça. » La thérapie lui a aussi permis de reprendre confiance en lui. « L’amour de soi, c’est une des choses les plus difficiles que j’aie apprises dans ma vie. Et je suis encore en train de l’apprendre chaque jour… »

La fin du karaté

« Aujourd’hui, je vais beaucoup mieux », rassure Jean-Sébastien Bérubé, qui vit maintenant à Montréal. Il prépare la suite de son récit, où il sera question d’un voyage au Japon et des raisons qui l’ont poussé à renoncer au karaté, après avoir participé à un Championnat du monde. « Ce sera le dernier album de ce cycle », dit celui qui s’est mis au yoga (après un détour par les arts martiaux mixtes). Il promet ensuite une « grosse bédé » sur le bégaiement. « Je veux expliquer ce que c’est d’un point de vue scientifique, dit-il. Ce sera donc encore autobiographique. »

Entre-temps, il termine un petit contrat pour les Rendez-vous de la bande dessinée de Gatineau, qu’il réalise en couleurs et, pour la première fois, avec l’aide d’une tablette graphique. « J’ai un problème de tendinite, alors je dois gérer mon temps de dessin. C’est pourquoi j’essaie une technique différente. »

Jean-Sébastien Bérubé poursuit donc aussi son cheminement du côté du dessin. Et on a bien hâte de voir où tout ça le mènera.

IMAGE FOURNIE PAR LA MAISON D’ÉDITION

Vers la tempête, de Jean-Sébastien Bérubé

Vers la tempête
Jean-Sébastien Bérubé
Futuropolis
216 pages