L’environnement n’a pas seulement un impact sur notre santé physique. Il affecte aussi notre psychisme. Dans Des âmes et des saisons, qui paraît ces jours-ci, Boris Cyrulnik nous parle de psycho-écologie pour mieux expliquer comment l’humain évolue et s’adapte. Un livre touffu, rempli d’un savoir précieux qui nous aide à comprendre le monde dans lequel nous vivons.

Le nom de Boris Cyrulnik est pour toujours associé à la résilience. Ses ouvrages ont voyagé à travers le monde et leur succès a fait du neuropsychiatre une référence. Dans son dernier livre, il s’intéresse à l’impact de notre environnement sur notre développement.

La psycho-écologie est une théorie intégrative à laquelle Cyrulnik s’intéresse depuis le début des années 1960. « Quand j’étais étudiant, explique-t-il en entrevue, il y avait deux manières de comprendre l’homme sur le plan psychologique. On nous demandait de choisir entre la chimie – qui doit tout expliquer du psychisme – ou la parole – qui va tout expliquer du monde mental. Mais il y a toute une autre dimension à considérer. L’homme n’est pas séparé de la nature. Comme tous les êtres vivants, il est sculpté par les pressions des milieux qui l’entourent. »

Les niches de développement

On le sait, cette influence de l’environnement commence très tôt, dans le ventre de la mère. C’est la première « niche sensorielle ou écologique », comme la nomme Cyrulnik.

C’est pendant la grossesse que « commence la construction de l’appareil neuropsychique qui subit des pressions du milieu constituées par les émotions maternelles », explique-t-il.

La deuxième niche sensorielle, ce sont les bras de la mère, c’est-à-dire tout ce qui est en contact avec l’enfant à sa naissance : les mamelons et les yeux de sa mère qui l’allaite, mais aussi les basses fréquences de la voix du père « qui devient, selon Cyrulnik, une autre figure d’attachement, et beaucoup plus proche qu’on ne le croyait avant ».

La troisième niche sensorielle, c’est le monde des mots qui commence à se construire dès la grossesse. « Les fréquences basses de la voix de la mère sont transmises et filtrées par le corps et le liquide amniotique, souligne le neuropsychiatre. Elles viennent caresser les mains et la bouche du bébé qu’elle porte. »

L’histoire qu’on se raconte

Il y a donc l’environnement physique, constitué par le corps de la mère au début de la vie d’un humain. Puis il y a l’environnement conceptuel. Cyrulnik parle alors d’« écologie verbale », qui va des premiers mots que l’enfant prononce jusqu’aux récits conceptuels qu’il imagine. Et ça va loin ! On ne parle pas seulement des histoires qu’on raconte aux enfants, mais bien du narratif de la vie d’un individu : le récit familial, professionnel et même national a une influence sur chacun d’entre nous.

On ne se perçoit pas de la même façon, par exemple, si on est issu d’un peuple de conquérants ou d’un peuple de vaincus, d’une famille qui a souffert de la famine ou qui a été emprisonnée dans des camps…

Tous ces récits ont une influence sur notre psychisme et notre développement. Et cette influence peut être différente si on est un homme ou une femme, explique Cyrulnik, exemples à l’appui. Toute la partie du livre qui porte sur l’adolescence et le début de l’âge adulte devrait particulièrement intéresser les parents.

> (Re)lisez notre entrevue avec Boris Cyrulnik à propos de l’adolescence

Une renaissance ?

Parlant d’environnement et de nature… Pour Cyrulnik, il est évident que la pandémie que nous vivons depuis un an est un énorme signal d’alarme qu’on ne peut plus ignorer. En ce sens, et toujours dans la perspective de la psycho-écologie, il nous rappelle que nous ne sommes pas au-dessus de la nature, mais bien DANS la nature. « Pendant longtemps, notre culture nous a fait croire que l’homme devait dominer : la nature, les animaux, les femmes, les enfants, les hommes faibles… Mais tout le monde est malheureux là-dedans. La pandémie nous le rappelle, il faut trouver une autre façon de vivre ensemble. Aujourd’hui nous sommes à la croisée des chemins : ou bien on se remet à construire comme avant, ce qu’on a souvent fait, et dans ce cas, il y aura une nouvelle épidémie… Ou bien on tombe dans les filets d’un dictateur qui nous promet de tout arranger… Ou on assiste à une renaissance. Moi, je veux être optimiste pour la troisième option. »

IMAGE FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

Des âmes et des saisons – Psycho-écologie, de Boris Cyrulnik

Des âmes et des saisons – Psycho-écologie
Boris Cyrulnik
Odile Jacob
297 pages