Même si L’ami arménien relate un souvenir de jeunesse d’Andreï Makine, il y a quelque chose qui résonne profondément aujourd’hui dans ce livre d’amitié, de rencontre avec l’autre et de solidarité.

L’écrivain russe y dépeint son intense relation avec Vardan, adolescent qui vit avec une petite communauté arménienne venue s’installer dans une grande ville de la Sibérie pour soutenir ses proches emprisonnés. Vardan est aussi fragile qu’unique, et l’orphelin qu’est Makine, habitué à se défendre, devient d’abord son protecteur, puis son ami, et les rôles entre les deux vont même finir par s’inverser.

En allant visiter Vardan dans le bien nommé quartier le Bout du diable, le narrateur découvre ce morceau de « royaume d’Arménie », mais aussi le parcours de ceux et celles qui l’habitent, leur déracinement, les injustices de l’Histoire, la douleur d’avoir tout perdu, la crainte de perdre encore plus.

Ce sera une amitié fondamentale pour Makine, à travers laquelle on sent qu’il est entré dans l’âge adulte, et qui aura influencé sa manière de voir et de comprendre le monde. Et il la raconte avec ses yeux de jeune garçon qui essaie de déceler le mystère qui entoure son ami et ses proches, dans une langue qui fleure la nostalgie et la perte des illusions, moins froide et épurée que d’habitude.

L’ami arménien est autant un livre sur les malmenés de l’Histoire que sur l’amour de son prochain – et l’amour tout court –, et sur le temps qui passe et la fin qui approche. Dommage que dans les dernières pages, dans un étrange glissement, Makine en profite pour faire une espèce de critique de notre époque mondialisée, mais il y a dans ce livre toute la profondeur et l’humanisme dont un écrivain peut faire preuve.

IMAGE FOURNIE PAR GRASSET

L’ami arménien, d’Andreï Makine

L’ami arménien
Andreï Makine
Grasset
214 pages
★★★