Attention, Tiger est paré de griffes acérées. Ce récit dystopique nous propulse dans une arène impitoyable, où dansent de façon macabre réseaux de pédo-prostitution, sévices cruels, drogues vicieuses, trafics humains et combats de chiens. Le décor ? Une Chine avariée, et plus particulièrement la cité de Xi’an, connue pour son armée de soldats de terre cuite, ici devenue le théâtre d’une guerre des corps. Tout n’y est pas totalement pourri, puisque le refuge de Mama Love s’évertue à raccoutrer des enfants de la rue déchiquetés par la barbarie sociale et sexuelle.

Vers ce lieu d’espoir convergent des fantômes torturés, comme Esad, Russe déboussolé traquant la jeune prostituée Tiger, Xujin, éducatrice tourmentée de l’établissement, ou encore Binyuan, arrachant sa liberté à coups de lame. En coulisses de ce ballet sombre, une vieille chamane dicte la cadence de sa vengeance.

Écriture texturée, atmosphère étouffante, personnages foisonnants, mitraillage de phrases nominales (jusqu’à l’abus)… c’est très dense, au service d’un tableau détaillé jouant sur le thème du rituel (dans le droit fil de La rouille, du même auteur), au détriment d’un confort de lecture – et telle n’est pas la prétention du récit. Mais c’est sûrement la question à se poser avant d’attaquer ces pages : le moment est-il propice pour se jeter dans de telles griffes ? Ceux encore capables de s’envoyer une grande rasade de Mad Max ou de Hokuto no Ken sans sourciller au petit déjeuner n’auront pas à s’interroger.

★★★
Tiger
Éric Richer
Éditions de l’Ogre
358 pages