Dans son dernier roman, Em, Kim Thúy évoque l’opération Babylift, qui consistait à évacuer des enfants du Viêtnam (à partir de Saigon, plus précisément) vers les États-Unis, à la fin de la guerre opposant les deux pays. Sous des dehors d’action humanitaire, Kim Thúy explique qu’il s’agissait d’une vaste opération de relations publiques élaborée par l’administration Ford. Cette période sombre de l’histoire du Viêtnam est intimement liée au destin d’Ocean Vuong, un jeune écrivain américain d’origine vietnamienne.

Auteur d’un recueil de poésie pour lequel il a remporté le prix T. S. Eliot en 2017, Vuong a été salué unanimement par la critique pour On Earth We’re Briefly Gorgeous, son premier roman, publié en anglais en 2019, et qui nous arrive en traduction française.

Sous forme de lettre adressée à sa mère – lettre qu’elle ne pourra jamais lire, car elle est analphabète –, Vuong plonge dans son histoire et celle de sa famille. Une histoire marquée par la guerre, l’exil, la folie et la violence.

Sa grand-mère, une paysanne, tombe amoureuse d’un soldat américain avec qui elle aura plusieurs enfants avant de sombrer dans la schizophrénie. Ses enfants seront séparés et placés dans des orphelinats pour les protéger de l’opération Babylift.

À l’âge de 2 ans, Vuong fuit le Viêtnam avec sa mère qui, comme bien des réfugiées vietnamiennes, se trouvera un emploi dans un salon de manucure, ce qui permet au narrateur d’aborder la question des classes sociales et de la douloureuse intégration des immigrants aux États-Unis.

La relation entre la mère et le fils ne sera jamais facile. Elle est marquée par la violence, mais surtout par l’incapacité de communiquer, de se raconter l’un à l’autre. La découverte de son homosexualité n’aidera en rien Vuong à se faire comprendre de sa mère. Leurs réalités sont trop différentes.

Comme bien des parcours d’immigration, celui de Vuong est complexe, difficile. Mais son écriture, superbe, transforme une histoire terrible en magnifique expérience de lecture. Ocean Vuong n’a que 32 ans. On le suivra donc encore longtemps.

★★★★
Un bref instant de splendeur
Ocean Vuong, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marguerite Capelle
Gallimard
290 pages