Quatre artistes qui se sont connus il y a 20 ans lors d’une résidence à la prestigieuse Villa Médicis se retrouvent à Rome le temps d’un week-end : Une forme claire dans le désordre se résume peut-être en une seule petite phrase, pourtant ce quatrième roman d’Éléonore Létourneau est tout sauf linéaire et prévisible, et s’éloigne des clichés des œuvres de retrouvailles.

Il y a beaucoup de non-dits et de silences chez l’autrice qui travaille aussi dans le domaine du cinéma et qui, d’un roman à l’autre (Notre duplex, Les choses immuables, Il n’y a pas d’erreur : je suis ici), tisse ses récits avec un regard empreint de compréhension et de délicatesse. Encore une fois ici, pas de débordements ni de situations extrêmes, mais pourtant une profonde impression d’avoir saisi un peu plus l’essence de l’expérience humaine à travers le parcours de ces quatre personnages qui convergent de leurs différents lieux géographiques vers cet endroit chargé de souvenirs.

Donc, Adèle, Thomas, Peter et Yosr se sont connus en 2000 à Rome. Vingt ans plus tard, que sont-ils devenus ? Ils ont traversé des tempêtes, personnelles et sociales. Ils ont voyagé, se sont déposés – ou pas. Ils ont continué à pratiquer leur art, que ce soit la photo, l’écriture, la musique, les arts visuels.

Éléonore Létourneau ouvre doucement une brèche sur chacun d’eux, par petites touches, choisissant de montrer des morceaux de leur vie, de manière déconstruite, en apparence sans direction précise. Elle se promène du présent au passé et de l’un à l’autre, formant une espèce de courtepointe de vies, d’espoirs et de quêtes intimes et artistiques – parce qu’à travers les dédales de leur existence, l’art en est la colonne vertébrale, leur manière d’aborder le monde, l’élément structurant pour chacun d’entre eux. Leur seule vraie forme claire dans le désordre.

Le livre se termine avec cette phrase : « Qu’allaient-ils faire, maintenant ? » Et il y a dans cette question ouverte tout l’esprit de ce roman libre et aux assises profondes, qui parle à l’intelligence des lecteurs avec subtilité et sans racolage. De l’orfèvrerie littéraire, pertinente, éclairante et nourrissante.

★★★½
Une forme claire dans le désordre
Éléonore Létourneau
VLB éditeur
144 pages