Loco Locass étant à la retraite « pour l’instant », Biz se consacre à sa vie d’écrivain. Il publie L’horizon des événements, roman où il est notamment question de censure et de liberté d’expression dans le monde universitaire. Un sujet délicat qu’il aborde comme « un gars qui n’a rien à perdre ».

Longtemps, Biz s’est défini comme un rappeur. Jusqu’au jour où, au retour d’un périple en Europe pour faire la promotion de son roman Mort-terrain (Prix littéraire France-Québec 2015), il a inscrit « écrivain » sur la fiche d’immigration qu’on doit présenter au douanier. « Et je suis passé plus vite à la douane », glisse-t-il avec ironie.

Ce n’est pas le prix qui l’a incité à changer de métier sur papier. Le déclic a été intérieur. « Quand je me suis rendu compte que je réfléchissais presque à temps plein à des histoires, des scénarios ou des livres, dit-il, je pouvais me considérer comme un écrivain. »

Avec neuf livres publiés, il a construit ce qu’il appelle une « constellation » où, comme chez Zola ou Tremblay, des personnages vus ici réapparaissent là. Achille Santerre, narrateur de L’horizon des événements, est le papa de Léo et de Flavie, croisés dans C’est Flavie (2018). Il est aussi professeur à la même université que René McKay, personnage principal de La chaleur des mammifères (2017).

« On retourne dans le même département de littérature, mais pas sous le même regard », expose Biz. Divorcé, diminué, désabusé, Achille Santerre s’accroche à ses joies de chef de famille monoparentale, qui mettent un peu de baume sur les guéguerres départementales et l’effroi que suscite chez lui cette police de la parole – sinon de la pensée – qui fait qu’un prof peut être lynché pour avoir prononcé un mot qu’un étudiant juge de trop.

« C’est clair que ce sont des enjeux qui nous guettent au quotidien. En ce sens, ce roman-là est peut-être mon plus important, celui qui m’a demandé le plus de réflexion », dit-il.

J’ai essayé de sortir le télescope pour observer la galaxie sociale et le microscope pour aller au cœur de l’intime.

Biz, auteur du roman L’horizon des événements

Jouer avec le feu

Biz prend un risque en abordant un sujet aussi clivant. Il en rajoute une couche en faisant de son personnage principal un admirateur de Michel Houellebecq et un spécialiste de Céline, auteur de l’admirable Voyage au bout de la nuit, mais aussi de pamphlets antisémites.

Ces deux écrivains sont les plus importants de la littérature française à ses yeux, à la fois géniaux et… infréquentables. « C’est un peu jouer avec le feu que d’aborder des questions aussi délicates avec ces deux gars-là », reconnaît Biz. Il précise cependant qu’il ne célèbre pas Céline sans réserve et « le passe au tordeur ». Ce qui est juste.

Il ne ménage pas non plus les universitaires pleins de leur propre importance ni les étudiants prompts à ressentir des micro-agressions. Une partie de son roman creuse d’ailleurs un fossé entre les générations et les genres, avec l’envie de « donner une taloche » autant aux boomers qu’aux woke.

Sur le plan social, il associe l’époque qu’on traverse à une révolution qui « rebrasse les cartes du pouvoir ». Les hommes blancs, notamment, passent un mauvais quart d’heure dans son roman et se retrouvent dans une taverne que l’auteur qualifie ironiquement de « parc jurassique ». Biz les observe néanmoins avec une certaine empathie.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Biz, auteur du roman L’horizon des événements

La révolution à laquelle on assiste est nécessaire, mais il va falloir qu’on comprenne à un moment donné que ce n’est pas parce qu’on est un homme blanc de 50 ans qu’on est une piñata à abattre.

Biz, auteur du roman L’horizon des événements

Humour et amour

L’horizon des événements n’est toutefois pas un roman à thèse. C’est un livre au style épatant (Biz possède un vocabulaire riche et crée des images ingénieuses) et à l’humour vif. « Ça fait passer la pilule », juge-t-il. En troquant son micro de rappeur contre le clavier de l’écrivain, Biz se montre d’ailleurs plus drôle et plus sensible qu’au sein de Loco Locass.

Il ne regrette pas ses années passées à gueuler le poing en l’air, mais revendique un peu de légèreté. « Ce n’est pas un programme politique, ce n’est pas un essai, dit-il à propos de L’horizon des événements. C’est juste une fiction pour avoir du bon temps entre deux pandémies. »

Son personnage s’extirpe d’ailleurs de la lourdeur du monde au contact de ses enfants et d’un nouvel amour. « Quand on est amoureux, tous les angles sont arrondis. Ce n’est pas grave si on se fait dépasser dans la file à l’épicerie, dit-il. Ce n’est pas grave si les étudiants copient… »

Biz, le rappeur cassant, revendique dans son roman une chose qui, selon lui, manque à notre époque : la nuance. « Ce n’est pas grave si une génération ne pense pas de la même façon que nous. Est-ce qu’on est obligés de se regarder en chien de faïence entre woke et duplessistes ? demande-t-il en faisant référence à la récente prise de bec entre François Legault et Gabriel Nadeau-Dubois. Ce n’est pas vrai que tout est à prendre en bloc. »

En librairie le 29 septembre

L’horizon des événements

L’horizon des événements

Leméac

221 pages