Le nouveau Nothomb est tombé – et pas au combat. Une 30e parution en 30 années, avec réservoir d’inspiration intarissable et style reconnaissable au rendez-vous, et surtout une louche personnelle et familiale. Car pour mieux éclairer la lecture de Premier sang, il y a certes la lampe de chevet, mais aussi le fait de savoir qu’il s’agit d’un hommage au défunt père de l’auteure, disparu en 2020, dans la peau duquel elle se glisse au cours de ces 170 pages.

Patrick Nothomb nous narre ainsi une drôle de vie, orphelin de père (mort à l’armée), puis envoyé chez ses grands-parents paternels à l’occasion de vacances. Là, il découvre Pierre Nothomb, poète au cœur endurci, et sa famille affamée par un régime de rationnement quasi darwinien. Adulte, marié, il devient consul et se retrouve propulsé au Congo, avant d’être empêtré dans une prise d’otages.

C’est bien le corps de Patrick Nothomb qui vogue au fil des pages, mais ce sont assurément les yeux de sa fille qui en contemplent les vicissitudes ; à tel point que le lecteur oublie occasionnellement qu’un homme est en train de dérouler son récit, percevant plutôt la voix d’Amélie derrière la sympathique marionnette paternelle. Justement, grâce à sa patte un peu folle, elle instaure à nouveau cette ambiance décalée qui la couronne de succès. Comme toujours, c’est court, et certains personnages alléchants sont à peine esquissés (l’énergumène polyglotte Hubert Durt), mais avoir immortalisé son père de la sorte, par le truchement de sa plume singulière, recèle quelque chose de poignant.

Premier sang

Premier sang

Albin Michel

170 pages

7/10