Arlette Cousture lance cette semaine En voiture ! All Aboard !, charmant recueil inspiré d’histoires qu’elle a récoltées lors d’un voyage en train d’un océan à l’autre. Nous sommes allés parler avec elle de ce nouveau livre qui pourrait être le dernier, et nous en avons profité pour prendre de ses nouvelles.

La dernière fois qu’on avait parlé à Arlette Cousture, c’était en 2012 pour son roman historique Petals’Pub. Elle a ensuite publié deux recueils, le plus récent, En plein chœur, sorti en 2018, et Chère Arlette en 2016, dans lequel les célèbres personnages de la saga Les filles de Caleb écrivaient des lettres à leur créatrice.

Alors qu’elle nous reçoit dans sa maison de Brossard, aux abords de la voie maritime du Saint-Laurent, une question s’impose donc : comment allez-vous, Arlette ?

« Super bien ! nous répond en souriant l’autrice de 74 ans. Je ne suis pas tuable, on va dire ça de même. » Son secret ? Chaque jour, se réjouir d’un imprévu dans sa routine. « Alors, ma journée est faite. »

Quant à la santé, son état reste stable. L’écrivaine vit depuis des décennies avec un diagnostic de sclérose en plaques.

« Je ne te cacherai pas que je suis un miracle et que j’en suis très consciente. Mes médecins ne peuvent pas grand-chose pour moi, mais quand ils voient que je me tiens toujours debout et que ça va bien, ils sont contents ! Mais c’est ma vie, je n’ai pas d’objectif ni rien, je prends mes médicaments tous les matins, mais je ne suis pas toujours en train de penser à ça. »

Son rythme a ralenti, par contre, et si cinq ans ont passé depuis son précédent livre, c’est un peu malgré elle.

Je n’ai pas une énergie folle. Ben j’ai une énergie, mais pas folle. Mais je suis quand même folle, mais pas mon énergie !

Arlette Cousture

Quoi qu’il en soit, Arlette Cousture est bien contente de ce petit dernier qui, elle l’espère, saura faire sourire les gens. « Toi, comment tu t’es sentie en le lisant ? » Disons… mélancolique ? « Tu trouves ? Ah oui, peut-être. »

S’il y a de l’humour, beaucoup d’amour et de la douceur dans ce livre, la plupart des histoires sont en effet traversées par l’idée de la mort ou de la maladie. Même celles qui se terminent bien. « J’arrive à trois quarts de siècle, ça fait partie de mes préoccupations. Ça ne m’empêche pas de dormir, mais ça me fait réfléchir en me couchant. »

Si le souffle dans l’écriture n’a pas changé, le propos et la tonalité sont différents, ajoute-t-elle. « Avant, c’était en majeur, là, c’est en mineur. »

Inventer des vies

On retrouve avec plaisir toute la verve d’Arlette Cousture dans ces 10 histoires inspirées essentiellement de rencontres faites lors d’un voyage en train entre le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique. « Je voulais entendre des vies… et j’ai été servie ! »

Une femme de 88 ans « encore pâmée par l’homme qu’elle avait aimé », mort depuis des décennies. Un couple d’Acadiens qui se paie un voyage à Montréal chaque année depuis 30 ans pour aller voir un match du Canadien. Un homme qui s’en va visiter son frère jumeau qui est sur le point de mourir. Un couple qui plaque tout pour acheter une fermette en Saskatchewan, sur la route des bisons… Autant de points de départ qui sont prétexte à la littérature pour Arlette Cousture, qui croit fermement que « toutes les vies sont des romans ».

Les gens me demandent souvent où je prends mes histoires… C’est l’indiscrétion ! J’ai passé ma vie à écouter. Des fois, c’est juste une situation, ou une phrase, que je garde en mémoire. Après, tu délires, tu imagines ce qui aurait pu être.

Arlette Cousture

C’est d’ailleurs une phrase de sa mère qui, au détour d’une conversation, avait évoqué la séparation de ses parents, qui l’avait menée à l’histoire des Filles de Caleb, alors qu’elle était partie sur une autre piste. « Je lui avais dit : “Qu’est-ce que tu racontes là ? » C’est là que j’ai su que mes grands-parents étaient séparés. »

La suite fait partie de l’histoire, puisque ce premier roman publié en 1985 a été un des plus grands succès de l’histoire littéraire du Québec, et que ses personnages se sont inscrits dans l’imaginaire collectif. « La série a laissé une plus grande empreinte. Mais en même temps, pas de livre, pas de série ! »

Quand elle repense à ces années, Arlette Cousture se souvient d’une grande frénésie et de son désir constant d’écrire. « Je venais d’avoir mon diagnostic. Alors je me disais : j’ai peut-être moins de temps que je pense, et je suis partie à toute vapeur dans l’écriture. Finalement, c’est bien plus fort que la maladie ! »

Besoin allégé

Aujourd’hui, Arlette Cousture ne ressent plus la même urgence, et peut passer de longues périodes sans s’asseoir à sa table de travail.

Le besoin d’écrire est là, mais dilué. On n’est pas toujours obligé de prendre un espresso, on peut prendre aussi un déca bien léger.

Arlette Cousture

Dans ses remerciements, elle écrit d’ailleurs ceci : « Mes chers lecteurs, ce livre serait mon dernier. Merci de m’avoir suivie et, comme je ne cesse de vous en savoir gré, d’avoir donné vie à des personnages de papier. Mon dernier ? À bien y penser, j’ai des doutes. »

En fait, Arlette Cousture nous raconte qu’elle a commencé à écrire un nouveau livre, « à [son] corps défendant ». Et que même si elle l’aime déjà profondément, elle ne sait pas si elle se rendra jusqu’à la publication.

« Je suis comme tannée. Quand j’écris une phrase qui me plaît, je me dis : câline que c’est l’fun. Puis je pense à tout ce que je voudrais écrire et à ce que ça représente, publier un livre, et ça me décourage. »

Donc à la question « est-ce que c’était vraiment votre dernier livre ? », la réponse est peut-être que oui, peut-être que non.

« Je ne sais pas si je vais le terminer, s’il va voler de ses propres ailes. Je m’assois quand j’ai le goût de le retrouver. Alors si je le finis, tant mieux. Sinon, je ne sais pas, c’est peut-être tant mieux aussi. »

En voiture ! All Aboard !

En voiture ! All Aboard !

Libre Expression

138 pages