Le prolifique Simon Boulerice signe ces jours-ci son 60e titre, un ouvrage unique de par son fond, mais aussi sa forme, sur un sujet pointu et méconnu : l’hémophilie.

Papier bulle, aux éditions XYZ, en librairie ces jours-ci, raconte en effet l’histoire d’une jeune fille habituée aux taches de sang, à qui on interdit de jouer au ballon (et de jouer tout court), mais qui rêve secrètement de faire du karaté. Tout le monde la voit comme un être fragile à protéger, alors que sommeille en elle une ninja.

Niché, vous dites ? L’auteur jeunesse, on le sait, n’en est pas à sa première incursion dans les particularités. C’est même son dada, son « obsession », confirme-t-il en riant, rencontré la semaine dernière, à la veille du lancement. Après la non-voyance (et la série Six degrés), l’autisme (dans la pièce Edgar Paillette), ou encore le vitiligo (dans Le pelleteur de nuages), voilà donc que Simon Boulerice s’attaque à une énième différence : l’hémophilie au féminin. « Peu de jeunes femmes en souffrent, concède-t-il, mais ça existe. Alors justement, allons dans cette particularité. Ça me plaît toujours ! […] Finalement, je vois toujours ça comme une métaphore de la différence. »

Pour l’anecdote, il faut savoir qu’une amie d’enfance (sa seule et unique blonde, en première année du primaire !), à qui est d’ailleurs dédié l’ouvrage, souffrait précisément d’hémophilie, d’où sa sensibilité à la question. Et son souhait de l’aborder un jour. Encore fallait-il trouver la forme pour le faire.

Celle-ci lui est en quelque sorte tombée du ciel, il y a quelques années, en voyage à Chicago, en y rencontrant par hasard sa cousine, l’illustratrice Eve Patenaude. « On s’est donné rendez-vous au musée, se souvient l’auteur. Et j’ai vu Eve avec son calepin. » L’illustratrice reproduisait là les œuvres qui lui plaisaient, au feutre à l’alcool. « Ça traverse le papier, se rappelle Simon Boulerice, et Eve m’a expliqué que la technique s’appelle le bleeding. J’aimais ça beaucoup, beaucoup, beaucoup. Je trouvais que le verso recelait comme un secret. » Et disons que la technique en question (et surtout son nom !) ne pouvait pas mieux servir ici son projet de récit. « La forme a précédé le fond ! »

  • Extrait de Papier bulle

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« L’idée attendait l’étincelle du bleeding », renchérit Eve Patenaude, qui signe ici sa deuxième collaboration avec Simon Boulerice, après Je vais à la gloire, publié l’an dernier. Elle ne cache pas avoir dû relever un sacré défi : illustrer un roman pour enfant sur le sang, cela prend une bonne dose de doigté et surtout de créativité. « C’est pour ça que j’ai décidé d’utiliser beaucoup les fleurs rouges. Je ne pouvais pas passer à côté du sang, c’est inévitable, mais ça aurait pu devenir sanglant. Mais ça ne l’est pas du tout, finalement. » Au contraire, c’est même d’un esthétisme rare. Même quand il est question de menstruations ou de tampons, c’est dire. « Ç'a été la manière de transformer quelque chose de gore et d’horrifique, dans l’imaginaire, en quelque chose de beau, avec des fleurs. »

« Je me suis toujours senti un peu décalé par rapport à la masse, reprend Simon Boulerice. Et je pense qu’on est une gang de tout seuls ensemble à se sentir comme ça. Alors j’écris pour qu’on soit tous conviés à la noce. Pour qu’on ait tous la possibilité de fêter ensemble. » Son roman graphique incarne à cet effet une grande et essentielle leçon d’empathie. Noblissime cause.

Papier bulle

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