Un bel amour

S’il s’agissait d’un film, Suzette ou le grand amour se classerait d’emblée dans la catégorie « feel good ». Imaginez : une jeune femme découvre que sa grand-mère, veuve depuis peu, n’a jamais oublié le bel Italien qu’elle a rencontré avant de se marier et l’emmène en Italie dans l’espoir de le retrouver… C’est joli, non ?

Il n’y a pas que l’histoire, qui se déroule entre Bordeaux et Portofino, qui est jolie. Il y a aussi le dessin de Fabien Toulmé – un trait noir enveloppé de couleurs – et ses dialogues. Tout coule de source pour donner naissance à un récit fluide, empreint d’une certaine naïveté, mais pas seulement.

IMAGE FOURNIE PAR DELCOURT

Extrait de Suzette ou le grand amour

Noémie, la jeune femme qui conduit sa grand-mère en Italie, vit des moments difficiles avec son amoureux, Hugo. Entendre parler des dessous du mariage de sa grand-mère, qu’elle appelle affectueusement Mamoun, voir les étoiles dans ses yeux quand elle parle de Francesco, change aussi son regard sur l’amour. C’est d’ailleurs à travers ces histoires croisées que Suzette ou le grand amour gagne en profondeur, sans jamais perdre sa légèreté.

Fabien Toulmé a mené avec doigté son récit, lui évitant toute mièvrerie, pour rester dans une zone confortable entre la parfois dure réalité, le rêve amoureux et l’espoir qui ne meurt jamais. Et c’est détaillé avec finesse, sur des centaines de pages qui lui permettent de donner du corps à ses personnages. C’est vraiment très joli.

Suzette ou le grand amour

Suzette ou le grand amour

Delcourt/Mirages

335 pages

8/10

Un exposé distancié

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS ÉCOSOCIÉTÉ

Mégantic, un train dans la nuit

On garde des images fortes de la tragédie ferroviaire qui a décimé Lac-Mégantic en juillet 2013. L’illustrateur Christian Quesnel y fait écho dans des pages d’un rouge terrorisant, qui évoquent puissamment l’immense brasier ayant fauché des dizaines de vies et rasé le centre-ville. Or, le récit d’Anne-Marie Saint-Cerny, qui fait suite à son enquête aussi publiée chez Écosociété (Mégantic, une tragédie annoncée), s’avère moins engageant.

Ce n’est pas tant les gens de Lac-Mégantic qui sont au cœur de Mégantic, un train dans la nuit, que cette enquête menée sur les dérives du capitalisme. L’auteure remonte aux sources du drame en évoquant l’appât du gain, le manque de surveillance, la déréglementation, et décortique un système désincarné qui fait le mal à distance et trouve des boucs émissaires quand les choses tournent mal.

La démonstration est éloquente, mais le choix de donner la narration à une vieille femme qui explique à un enfant comment le monde fonctionne crée une grande distance avec le drame et donne des airs moralisateurs au récit. On pourrait dire que cette distance montre à quel point les gens comptent peu aux yeux de la finance. Ou que, à force de dénoncer un mal plus grand, cette bédé oublie, elle aussi, les vies fauchées, anéanties par le feu.

Mégantic, un train dans la nuit

Mégantic, un train dans la nuit

Coll. Ricochet, Éd. Écosociété

104 pages 

5/10

Un bien joli (et lettré) cétacé

IMAGE FOURNIE PAR LE LOMBARD

La baleine bibliothèque

Il était une fois un facteur des mers qui parcourait les océans pour livrer courrier, colis et lettres d’amour. Son chemin croise celui d’une baleine extraordinaire, au ventre rempli de bouquins. Entre ces deux amoureux de la littérature se nouera une amitié indéfectible. À la vie, à la mort… Pour cet album bonbon, aux douces aquarelles bleutées signées Judith Vanistendael, le scénariste Zidrou (La bête, Les beaux étés) a sorti sa plume des grands jours. Ce conte tendre et bouleversant a tout ce qu’il faut pour ravir les enfants comme les grands : des images somptueuses, un mammifère géant attachant et un marin qui chante (du Renaud !) en ramant. Une lecture poétique dont on est sortie le cœur toute chamboulée…

La baleine bibliothèque

La baleine bibliothèque

Le Lombard

78 pages

7/10

Le poids de la liberté

L’essence du projet autobiographique que Shaghayegh Moazzami tient dans la version longue du titre de sa première bande dessinée : Journal de bord d’une jeune Iranienne hantée par une vieille folle moralisatrice. Son récit, qui raconte ses premiers temps à Montréal, montre comment sa liberté acquise avec l’émigration ne s’apprivoise pas si facilement. Une voix dans sa tête – « la vieille folle moralisatrice » du titre – l’interpelle constamment. Elle critique son habillement, son alimentation, son rejet des rites religieux, tout de sa nouvelle vie, en la traitant constamment de « garce » et de bien pire… On a de l’empathie pour l’auteure, mais on sort néanmoins de son récit autobiographique, très ancré dans le quotidien, avec le sentiment d’être resté en surface des choses.

IMAGE FOURNIE PAR ÇÀ ET LÀ

Hantée

Hantée

Hantée

Çà et Là

6/10