Et s’il suffisait de conseils simples pour devenir le mari idéal, attentionné, qui sait éviter les faux pas et combler sa tendre moitié ? Inspiré par des manuels d’une autre époque qui enseignaient aux jeunes femmes l’art d’être une épouse parfaite, le collectif Ce qu’un jeune mari devrait savoir se veut, en quelque sorte, le pendant au masculin de ces guides anciens, saupoudré d’une bonne dose d’humour et d’ironie…

« Au lieu d’attendre passivement qu’une demande lui soit formulée, il pensera plutôt à penser. Il prendra des initiatives. Ainsi, le mari idéal sait combien il reste de lait dans la pinte, s’il faut acheter du papier Q, il voit la poussière s’accumuler sur les meubles, remarque que les cheveux de la progéniture (si progéniture il y a) commencent à être longs ou que les plantes ont besoin d’eau », écrit Véronique Grenier.

Dans son texte intitulé Conseils pour un mari idéal, l’autrice et professeure de philosophie prodigue d’un ton pince-sans-rire des conseils allant de « Le mari idéal gère sa graine » à « De la sollicitude pour les menstruations il a ». Elle explique, entre autres, à ce mari idéal qu’« il peut très bien aller à la pharmacie acheter tampons, serviettes ou coupe menstruelle, avec le sourire ».

« Dans la note de bas de page au tout début de mon texte, je précise que ces conseils s’appliquent certes aux jeunes maris, mais aussi à la personne avec qui cette personne est en relation. Pour moi, c’est fondamental qu’on comprenne que ça vaut pour tout le monde, ce que je dis. J’ai surtout pris ça comme une occasion de réfléchir à l’idée du couple. J’ai été mariée, alors j’ai cru à l’institution à une époque de ma vie, mais aujourd’hui, c’est quelque chose que je remets beaucoup en question », confie Véronique Grenier.

Une diversité de plumes

En tout, 18 autrices et auteurs ont été choisis par Arizona O’Neill pour participer à ce collectif – notamment Martine Delvaux, Léa Stréliski et Heather O’Neill, sa mère, qui lui a transmis sa passion des livres en lui en lisant « à voix haute, toute la journée », quand elle était enfant, et avec qui elle a eu un plaisir fou à travailler. Libraire chez Drawn & Quarterly, artiste visuelle et étudiante à la maîtrise en scénarisation, Arizona O’Neill a été la chef d’orchestre de ce projet pour lequel elle tenait à avoir une grande diversité de voix.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Arizona O’Neill

« Je ne voulais pas juste avoir des femmes, mais aussi des hommes, des personnes non binaires, racisées. […] C’est pour ça que j’ai inclus un auteur homosexuel comme Simon Boulerice pour avoir sa vision de ce qu’est un mari, et un hétérosexuel comme Patrick Watson. Pour avoir différents angles », dit-elle.

Cette diversité a en effet permis d’obtenir des textes aux tons et aux styles très différents qui créent, tous ensemble, une œuvre fort originale aux couleurs bigarrées. Ainsi, l’autrice, animatrice et chroniqueuse Rose-Aimée Automne T. Morin explique aux hommes comment conquérir les amies de leur âme sœur « sans laisser croire que vous voulez coucher avec elles ». « À force de vouloir plaire, on peut facilement donner l’impression de vouloir fourrer. La ligne est mince », écrit-elle.

Heather O’Neill a pour sa part composé une anthologie des mœurs victoriennes où son personnage, Lady Chaswick, déclare qu’il est « primordial que [s]on futur mari n’ait jamais introduit son membre dans le moindre vagin » et que « l’homme ne devrait jamais avoir la même liberté sexuelle que la femme ».

« Savoir jusqu’au plus profond de tes couilles que ta femme est magnifique, à partir de maintenant, ce doit être aussi vrai et naturel que de savoir respirer », écrit encore l’artiste multidisciplinaire Coco Belliveau.

Le poète queer Eli Tareq El Bechelany-Lynch a quant à lui composé de courts dialogues en réponse à la nouvelle Fille, écrite par Jamaica Kincaid à la fin des années 1970.

Quand j’ai contacté les artistes, je leur ai demandé de penser à l’extérieur de la boîte, d’être weird dans leurs textes.

Arizona O’Neill

« Moi, j’ai vraiment pris la consigne au sens très littéral », admet Véronique Grenier, qui a lu par le passé un livre appartenant à sa grand-mère sur la jeune maman parfaite. « J’avais trouvé ça vraiment épouvantable ce qu’on pouvait dire aux femmes ! […] J’étais sans arrêt outrée en le lisant. Je pense que ça a tué des générations de femmes qui ont dû vivre dans des bouillonnements, qui n’avaient aucun espace pour être, finalement, autres que la femme bibelot qui ne doit jamais déranger son mari, qui va toujours être très disponible pour l’ensemble de ses besoins… On a effacé des femmes, puis on leur a appris à s’effacer, et encore aujourd’hui, on a des relents de ça dans nos manières d’être, et je pense qu’il faut casser ça », affirme-t-elle.

Et l’humour, qui s’est insinué dans son texte de façon tout à fait fortuite, peut être un moyen très efficace de dire certaines choses qui ne passeraient pas autrement, conclut Véronique Grenier.

PHOTO MICHELLE BOULAY, LA TRIBUNE

Ce qu’un jeune mari devrait savoir. Collectif dirigé par Arizona O’Neill (textes de Martine Delvaux, Heather O’Neill, Rose-Aimée Automne T. Morin, Patrick Watson, Coco Belliveau, Stella Adjokê, Ariane Lessard, Martina Chumova, Mikella Nicol, Roseline Lambert, Lili Boisvert, Jolène Ruest, Stéphanie Boulay, Léa Stréliski, Simon Boulerice, Véronique Grenier, Mélodie Nelson et Eli Tareq El Bechelany-Lynch). Éditeur : Marchand de feuilles. 224 pages.