Olivier Bourdeaut avait frappé un grand coup avec son premier roman sorti en 2016, En attendant Bojangles, qui avait charmé les lecteurs, séduit la critique et récolté de nombreux prix. Florida, son troisième roman, nage encore dans les eaux de la maladie mentale et de la famille dysfonctionnelle, sauf que la tendresse et l’empathie qu’on y retrouvait se sont transformées en férocité et en humour noir très noir.

On y suit le plan de vengeance autodestructeur d’Elizabeth, ex mini-miss éternelle deuxième, qui en veut profondément à sa mère d’avoir fait d’elle une poupée, et à son père de l’avoir laissée faire.

La première partie du livre, alors qu’Elizabeth court les concours dans tous les bleds de la Floride avec sa mère obsédée par la victoire, est franchement amusante et réussie. Le côté de plus en plus récalcitrant de la jeune concurrente est jouissif, et la description de cet univers ultrakitsch où les petites filles sont instrumentalisées et se font voler leur enfance est implacable.

Le reste du récit suit la quête monomaniaque d’Elizabeth pour faire payer ses parents. Pour y arriver, son corps deviendra autant une arme qu’un boulet, qu’elle transforme au gré de ses obsessions. Elle vivra une véritable descente aux enfers dans une Amérique post-11-Septembre, enragée, entêtée, déterminée… et pas particulièrement aimable non plus.

La « voix » d’Elizabeth est ironique et détonante à souhait et on a bien sûr envie de voir jusqu’où elle ira. On décèle aussi évidemment la métaphore sur la difficile prise de contrôle des femmes sur leur corps et sur le déclin américain. Mais si Florida a du rythme et est certainement un excellent divertissement, on dirait que le roman a un aspect un peu plaqué, peut-être à cause de la distance (sexe, âge, pays) entre le personnage et son auteur.

Résultat : même si le récit est narré à la première personne, on regarde nous aussi Elizabeth comme une bête de foire, et la fin mi-figue, mi-raisin ne vient pas arranger les choses.

Malgré ses qualités et à cause des attentes, Florida serait ainsi quelque chose comme une demi-déception… ou un demi-succès.

Florida

Florida

Finitude

256 pages

6/10